Les ETF et l'approche coeur/satellite

Publié le 15/07/2008 - Philippe Maupas
Exposer le coeur d'un portefeuille à des produits indiciels et chercher de la surperformance avec les satellites

L'approche coeur /satellite dans la construction de portefeuille est de plus en plus populaire auprès des investisseurs institutionnels. Elle présente également un intérêt évident pour les investisseurs privés et nous allons essayer d'en expliquer les fondements et de montrer comment les investisseurs privés peuvent la mettre en pratique.

Schématiquement, l'approche Coeur/Satellite consiste à séparer un portefeuille diversifié en deux poches : l'une, le coeur (core en anglais), comprend les classes d'actifs les plus importantes, celles pour lesquelles la recherche est la plus large et qui sont les mieux arbitrées, c'est-à-dire celles qui, en théorie, présentent les espérances de rendement les moins élevées en raison de l'efficience des marchés.

Il s'agit des grandes capitalisations des marchés actions dits "développés" : Europe, Amérique du Nord, Asie Pacifique. Ces régions pèsent très lourd dans les indices marchés développés (et donc très lourd dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels), les valeurs des indices sont suivies par de très nombreux analystes, la communication financière des sociétés cotées est développée et transparente : pour un gérant, il est difficile de faire la différence par rapport à l'indice et le recours à un produit géré passivement pour couvrir ces marchés présente un intérêt. Pourquoi en effet payer des frais de gestion active (de 1,5% à 2,5% de l'actif net) pour une probabilité de battre l'indice sans doute inférieure à 50%, alors que l'on peut avoir la certitude d'obtenir la même performance que l'indice (moins les frais de gestion) avec un ETF et pour des frais de gestion compris entre 0,30 et 0,60% ? Pour quelques données chiffrées sur les performances comparées des ETF et de fonds gérés activement dans les catégories Actions France et Actions Europe, cliquez ici.

Pour les marchés moins suivis par les analystes, c'est-à-dire moins présents dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels, comme les petites et moyennes capitalisations ou les actions des pays émergents, la perspective est différente. La moindre couverture par les analystes, des obligations de communication financière moins développées et des valeurs parfois moins internationales et donc soumises à des effets nationaux plus marqués permettraient aux meilleurs gérants d'obtenir des rendements supérieurs à ceux des marchés développés et des grandes capitalisations. Il serait donc plus aisé de trouver des gérants actifs susceptibles de battre régulièrement le marché sur lequel ils investissent. Il s'agit de la partie Satellite du portefeuille.

Pour la partie obligataire, l'approche est identique. Le coeur est constitué des catégories obligataires phares que sont les obligations d'Etat et les obligations du secteur privé investment grade (qualité d'investissement, c'est-à-dire non spéculatives). Constituant la plus grosse partie des énormes portefeuilles des investisseurs institutionnels, ces obligations font l'objet d'une recherche très approfondie et sont massivement arbitrées : on pourra s'y exposer avec un produit indiciel comme un ETF.

La partie satellite de la poche obligataire sera constituée des classes d'actifs obligataires moins couvertes par les analystes car moins présentes dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels. On recherchera donc des fonds gérés activement pour s'exposer aux obligations haut rendement (présentant un risque de défaut non négligeable, donc un coupon plus élevé pour séduire les investisseurs) et émergentes (présentant, à tort ou à raison, un risque de défaut supérieur à celui des obligations émises par des Etats dits développés aux yeux des investisseurs).

L'offre d'ETF sur le marché français s'est considérablement enrichie et permet aujourd'hui de couvrir la quasi totalité des classes d'actifs de la frontière efficiente Quantalys.

Pour les actions France, pas moins de 3 ETF sont disponibles pour répliquer l'indice CAC 40 : CASAM ETF CAC 40, Lyxor ETF CAC 40 et EasyETF CAC 40 (frais de gestion de 0,25%).

Pour les actions Europe, il est possible de s'exposer au Dow Jones Stoxx 50, représentatif des plus grandes valeurs européennes avec le EasyETF Stoxx 50 Europe A ou avec le iShares Dow Jones Stoxx 50 ; au MSCI Europe avec les iShares MSCI Europe, Lyxor ETF MSCI Europe ou Streettracks MSCI Europe ETF ; ou aux indices FTSE Eurofirst 80 et 100 avec les iShares FTSE Eurofirst 80 et iShares FTSE Eurofirst 100 (frais de gestion de 0,35% à 0,50%).

Même richesse d'offre pour les actions zone euro. On peut s'exposer à l'indice Dow Jones Euro Stoxx 50 via l'EasyETF Dow Jones Euro Stoxx, l'iShares Dow Jones Euro Stoxx 50 ou le Lyxor ETF DJ Euro Stoxx 50 (frais de gestion de 0,25% à 0,45%).

Pour s'exposer aux Etats-Unis, vous pouvez choisir le DJIA avec le Lyxor ETF Dow Jones Industrial Average, le S&P 500 avec le iShares S&P 500, le MSCI USA avec le Lyxor ETF MSCI USA, le Russell 1000 avec le EasyETF Russell 1000 ou le S&P 100 avec le EasyETF S&P 100 (frais de gestion de 0,35 à 0,50%). Attention, ces indices ne sont ni identiques ni substituables, étudiez-en soigneusement la composition avec de choisir un ETF.

Pour s'exposer à l'Asie Pacifique développée, il faut utiliser deux ETF (courtage de 0,50 à 0,74%): le iShares MSCI Far East ex Japan et le iShares MSCI Japan ou le Lyxor ETF Japan (Topix).

Pour s'exposer aux marchés obligataires de la zone euro sans être un spécialiste, vous pouvez utiliser le Lyxor ETF Euro MTS global (frais de gestion de 0,16%). Attention, en période de hausse des taux, la valeur liquidative des fonds obligataires sera généralement orientée à la baisse : si vous ne voulez pas courir un risque de perte en capital, n'investissez pas dans des fonds obligataires. Le fonds en euro des contrats d'assurance vie, majoritairement investi en obligations, vous délivrera une performance toujours positive.

Attention, vous n'aurez ni bonne ni mauvaise surprise avec un ETF : sa mission est de délivrer la performance de son indice sous-jacent moins les frais de gestion, à la hausse comme à la baisse. Si vous pensez que certains gérants peuvent battre durablement leur indice de référence et êtes capable de les identifier, oubliez l'approche coeur/satellite et construisez un portefeuille de fonds gérés activement. Si vous n'êtes pas certain(s) qu'un gérant puisse battre durablement son indice de référence et ne savez pas comment identifier un tel gérant, n'hésitez pas à utiliser des produits indiciels comme les ETF pour construire le coeur de votre portefeuille.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.