Emergents : plus dure sera la chute

Publié le 27/10/2008 - Philippe Maupas
Un peu d'émergents diversifiés, c'est bien, mais trop d'émergents concentrés, ça peut faire mal

Après quelques années de performances époustouflantes pour les marchés actions des pays émergents, certains investisseurs avaient fini par croire à la thèse du découplage, qui voulait que les grands pays émergents (China, Inde, Russie et Brésil notamment) aient atteint un niveau de développement suffisant pour leur permettre de tirer la croissance de l'économie mondiale avec les Etats-Unis d'une part, et d'être moins sensibles à l'état de l'économie américaine d'autre part.

Stabilité politique, excédents commerciaux, excédents budgétaires, croissance non inflationniste, les grandes économies émergentes n'avaient plus rien à envier à celles des pays dits développés.

Las, 15 mois après le début de la crise financière, force est de constater que la thèse du découplage a volé en éclats et que les marchés d'actions des pays émergents ont encore plus souffert que les autres. Cette analyse va nous permettre de mettre également en valeur la vertu cardinale de toute allocation d'actifs correctement construite, la diversification, et de rappeler une autre vérité première, à savoir qu'il ne faut pas croire aux contes de fées quand les marchés sont haussiers.

Ne pas croire aux contes de fées sur les marchés actions

Petit retour en arrière, au début 2004. Pourquoi cette date ? Parce que nous avons considéré que c'est à partir de début 2004 que les investisseurs particuliers, traumatisés par l'éclatement de la bulle internet et par les 3 années de marchés baissiers qui suivirent, ont recommencé timidement à réinvestir en actions.

Entre le 2/1/2004 et le 28/9/2007 (c'est à partir de septembre 2007 en effet que les marchés actions sont partis dans la spirale baissière que nous connaissons encore aujourd'hui), la thèse du découplage est parfaitement illustrée par le comportement des marchés actions de la zone euro (représentés par la moyenne de la catégorie Quantalys actions zone euro, courbe bleue) et des marchés actions émergents (représentés par la moyenne de la catégorie Quantalys actions pays émergents monde, c'est-à-dire par les fonds investissant sur la totalité des marchés émergents, et pas seulement sur une zone ou sur un seul pays, courbe rouge).

Les marchés émergents font beaucoup mieux que les marchés de la zone euro, certes avec une volatilité supérieure de près de 50%, mais, à environ 16% sur la période, très faible par rapport à la norme historique : marchés très haussiers (plus de 27% de performance annualisée sur cette période, c'est à la fois inédit et totalement hors normes), volatilité faible, le cocktail conduisant à l'illusion que nous sommes entrés dans une nouvelle ère est servi.

Si l'on allonge la période d'analyse, on constate malheureusement que les contes de fées peuvent se finir mal dans la vraie vie : au 17/10/2008, le bon élève est (presque) rentré dans le rang.

Sa surperformance par rapport à la zone euro reste importante sur la période complète, mais sans commune mesure avec ce qu'elle était 1 an auparavant. La volatilité a considérablement augmenté, passant à près de 20%.

Si l'on se concentre sur la seule période baissière, du 28/9/2007 au 17/10/2008, inversement de tendance : les marchés émergents monde sous-performent la zone euro. Plus de découplage, retour aux comportements relatifs traditionnels en cas de crise : les marchés émergents sont plus fragiles et baissent plus que les marchés dits développés.

Il convient de noter l'explosion de la volatilité sur cette période : près de 22% pour la zone euro et plus de 26% pour les marchés émergents. Si la volatilité est indolore quand les marchés montent, elle est fatale quand les marchés baissent.

L'estocade à la thèse du découplage est portée par la période allant du 19/9/2008 (après l'annonce de la faillite de Lehman Brothers) au 17/10/2008 : les marchés émergents perdent 26% en moyenne, contre environ 20% pour les marchés de la zone euro. Retour, dans la douleur, à la case départ et fin du conte de fées.

Diversifier son allocation d'actifs

Et la diversification dans tout cela ? Elle arrive. Nous avons délibérément choisi précédemment la catégorie Actions Pays Emergents Monde. C'est la seule catégorie Quantalys parmi les actions émergentes qui soit "core", c'est-à-dire éligible par défaut à l'optimisation. Toutes les autres catégories marchés émergents (régions ou pays) sont "spécialisées", c'est-à-dire que vous devez les autoriser explicitement pour qu'elles soient prises en compte dans l'optimisation.

Pourquoi cette distinction ? Parce que les fonds exposés à la totalité des pays émergents sont par définition plus diversifiés que les fonds exposés à une région (l'Amérique du Sud par exemple), ou un pays (la Chine ou la Russie). Le choix d'un fonds régional ou mono-pays est un pari tactique que nous nous refusons de faire : trop de paramètres locaux entrent en ligne de compte, il faut choisir le moment où l'on investit et nous n'avons aucune compétence pour déterminer le meilleur moment (pour jargonner, nous ne faisons pas de market timing).

Illustration avec une comparaison entre les catégorie Quantalys actions pays émergents monde (courbe rouge) et actions Russie (courbe bleue), sur les mêmes périodes que précédemment.

Entre le 2/1/2004 et le 28/9/2007, c'est le conte de fées russe. Pourquoi se contenter de 27% par an quand on peut en obtenir 41% avec la Russie, au prix d'une volatilité certes élevée ?

Sur la totalité de la période, en prolongeant les courbes jusqu'au 17/10/2008, on constate une très brutale normalisation du comportement des fonds actions Russie, dont la volatilité passe à 27%.

Sans surprise, sur la période allant du 28/9/2007 au 17/10/2008, la Russie sous-performe considérablement les actions pays émergents monde : -64% contre -49%. La volatilité explose, à 37%.

Et sur la courte période allant du 19/9/2008 au 17/10/2008, c'est la débâcle de Russie, avec une performance moyenne de -37% contre "seulement" -26% pour les marchés émergents monde.

Nous n'avons rien contre les fonds actions Russie : nous avons simplement voulu mettre en valeur les vertus de la diversification. Les actions Chine ont eu un comportement similaire, ainsi que les actions Brésil. De tels fonds ont leur place dans une allocation d'actifs, mais doivent être utilisés avec discernement et parcimonie.

Le poids maximum des fonds actions pays émergents dans nos allocations d'actifs est de 8%, dans l'allocation la plus offensive. Nous attendons de cette classe d'actifs un rendement annuel de 12% (11,20% dans l'assurance vie pour tenir compte des frais de gestion au titre des unités de compte), et une volatilité de 28%, sur le long terme.

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Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.