#SCPI #OPCI #SIIC …: Les impacts de la crise sur les produits immobiliers

Publié le 15/04/2020 - Jean-François Bay
L’immobilier, l’épine dorsale des allocations d’actifs

La plupart des investisseurs français ont constitué une allocation en ayant en cœur de portefeuille de l’immobilier en direct (ou de l’immobilier-pierre). Ainsi, selon l’INSEE (INSEE Focus n°176, décembre 2019) le patrimoine brut des ménages est constitué à 61% de biens immobiliers, par rapport à 20 % pour les actifs financiers, 11% pour les actifs professionnels et 8% pour le patrimoine résiduel ou atypique (voiture, vin, bijoux, art…).

Selon l’INSEE, 60% des ménages français sont propriétaires d’un bien immobilier en direct via leurs résidences principales, leurs résidences secondaires mais aussi l’immobilier de placement (immeubles mis sur le marché de la location). Le pourcentage de propriétaires évolue logiquement à la hausse avec l’âge des ménages. Les moins de 30 ans sont 19% à être propriétaires contre 72% pour les plus de 70 ans.

D’où l’intérêt de mieux identifier les différents impacts potentiels de la crise actuelle sur le marché de l’immobilier français.

Le développement récent de l’immobilier papier

A l’image du développement de la gestion collective sur les marchés financiers, nous avons assisté ces dernières années à un développement fort de la gestion collective sur le marché de l’immobilier (immobilier papier) à côté de l’immobilier en direct (immobilier pierre).

A ce jour, Quantalys a identifié 176 SCPI différentes pour un encours total de 65 milliards d’euros à fin 2019 (+17 % par rapport à 2018). Sur l’année 2019, les SCPI ont collecté +8,6 milliards d’euros (+ 68 % par rapport à 2018). Dans la rubrique FONDS, vous accédez directement au module de sélection des SCPI.



 

C’est une forme de « financiarisation » de l’immobilier qui présente plusieurs avantages :

  • ACCESSIBILITE : Il est possible d’investir dans l’immobilier avec un capital de départ relativement modeste. Les parts des véhicules collectifs (SCPI, OPCI…) sont généralement accessibles à partir de quelques centaines d’euros contre plusieurs centaines de milliers d’euros pour un appartement en direct.
  • CREDIT : L’achat de parts de SCPI peut se faire en partie à crédit et donc avec un faible apport. Un point important pour les primo-accédants ou pour les gros patrimoines qui souhaitent diminuer la valeur de leurs patrimoines par l’emprunt, et diminuer leurs revenus fonciers par des déficits fonciers.
  • DELEGATION : La société de gestion qui gère le véhicule collectif vous propose un produit clef en main. Vous n’avez pas les soucis de la gestion immobilière : rechercher un immeuble, rechercher des locataires, percevoir les loyers, suivre les travaux… Les revenus versés aux investisseurs sont nets.
  • MUTUALISATION : Comme un portefeuille d’actions de différents pays et de différents secteurs, la pierre papier répartit ses investissements sur plusieurs immeubles, plusieurs type de biens, plusieurs régions, plusieurs types de locataires…
  • RISQUES : Comme pour l’immobilier en direct, les capitaux investis et les revenus ne sont pas garantis. Ce placement étant investi dans des immeubles, il est donc peu liquide. Par ailleurs la liquidité est très faible : La société de gestion ne garantit ni le retrait, ni la revente des parts.

Mais les avantages de la gestion collective ont aussi leurs inconvénients qui sont exacerbés en période de crise :

  • Un investisseur ne maitrise pas les souscriptions / rachats des autres investisseurs (le passif du fonds)
  • L’ensemble des frais sont parfois dissuasifs (frais d’entrée, de sortie, de gestion…)
  • Les calculs de valorisation sont différents et complexes en fonction des véhicules (SCPI, OPCI, SIIC …)
  • Le marché secondaire est très limité
  • L’effet de levier et l’endettement des fonds immobiliers apportent un niveau de risque supplémentaire

 

SCPI, OPCI, SIIC… : Retour sur les différentes formes de véhicules collectifs

Tous ces véhicules collectifs ont pour objet est d’investir l’épargne collectée auprès d’un grand nombre d’investisseurs dans l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier dédié à la location dans l’optique de dégager un rendement.

SCPI : Société Civile de Placement Immobilier

Les SCPI sont des sociétés non cotées en Bourse qui font partie des organismes de placements collectifs (OPC).

2 segments différents :

  • Les SCPI « d’entreprise », qui détiennent un patrimoine composé d’immeubles à usage commercial (bureaux, entrepôts, boutiques, résidences hôtelières ou séniors etc.). Ces SCPI ont pour principal objectif la distribution de revenus réguliers. Ce type de biens est généralement difficilement accessible à l'achat en direct pour des épargnants.
  • Les SCPI « d’habitation » (majoritairement appelées SCPI « fiscales »), qui détiennent un patrimoine d’immeubles à usage d’habitation. Ces biens immobiliers s’inscrivent parfois dans des dispositifs fiscaux qui permettent aux épargnants de bénéficier d’économie d’impôt, sous réserve de conserver leurs parts pendant une durée minimale à partir de la signature du bail.

2 structures juridiques différentes :

  • Les SCPI à capital fixe : Un investisseur ne peut souscrire des parts que lors des périodes des levées de fonds vouées à accroître sa capacité d’investissement. La fréquence des augmentations de capital est très variable d’une SCPI à capital fixe à l’autre. Ce genre de SPCI est également plus contraignant pour investir, puisqu’il faut attendre une fenêtre de souscription pour se porter acquéreur de parts, et surtout si l’associé désire vendre ses parts, il doit trouver des acheteurs.
  • Les SCPI à capital variable : Elles sont plus souples puisqu’elles peuvent émettre de nouvelles actions ou en annuler, ce qui permet à l’investisseur de sortir ou d’acheter plus facilement des parts. Cependant, les statuts de ce type de société fixent des limites d’achat et de sortie.

OPCI : Organismes de Placement Collectif en Immobilier

A la différence d’une SCPI qui est entièrement composée d’actifs immobiliers, un OPCI est à la fois composé d’actifs immobiliers et d’actifs financiers. Il comprend 60 % minimum d’actifs immobiliers (immeubles, parts ou actions de sociétés immobilières), 5 % minimum de liquidités, le reste étant investi dans des actifs financiers (actions, obligations, etc.).

2 structures juridiques différentes :

  • FCP ou FPI : Les OPCI peuvent prendre la forme de fonds de placement immobilier (FPI), sur le modèle des FCP
  • SICAV ou SPPICAV : Sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV), sur le modèle des Sicav.

SIIC : Sociétés d’Investissement Immobilier Cotées

Les SIIC, c’est l’immobilier coté en Bourse. En effet, les SIIC ont pour objet l’acquisition, la construction et la gestion d’un patrimoine immobilier locatif mais ces sociétés sont cotées. Les SIIC doivent redistribuer à leurs actionnaires au moins 85 % des loyers perçus et 50 % des plus-values réalisées. Contrairement aux SCPI et aux OPCI, les SIIC sont cotées en bourse. Cet investissement est donc plus risqué : la valeur des SIIC, liée au marché boursier, peut subir de fortes variations, à la hausse comme à la baisse.

Crise : Un impact différent selon les segments

Le patrimoine des véhicules collectifs est principalement composé de bureaux loués à des entreprises. 62% des capitaux gérés par les SCPI est investi dans les immeubles de bureau (comme l’indique le graphe ci-dessous) et l’impact de la crise actuelle se fera nécessairement ressentir. Voici les grands segments des fonds immobiliers :

  • Bureaux : patrimoine composé de façon prépondérante d’immeubles de bureau
  • Commerces : patrimoine essentiellement affecté à des murs de magasins
  • Diversifiées : patrimoine composé d’immeubles de plusieurs types comme des bureaux, des commerces mais aussi des logements résidentiels
  • Résidentielles : patrimoine investi principalement dans des logements résidentiels
  • Spécialisées : patrimoine typé sur un segment ou plusieurs segments spécifiques, comme l’immobilier de santé, l’hôtellerie, l’éducation et les étudiants…
  • Européennes : patrimoine investi majoritairement dans des immeubles de bureaux en Europe

Régionales : patrimoine investi majoritairement en Province

Et, pour un même segment comme le Commerce par exemple, la qualité des biens immobiliers composant le sous-jacent du fonds entrera également en ligne de compte : La situation du commerce, la solvabilité des locataires, le fait que le commerce en question fasse partie d’une chaine ou soit indépendant, le type de contrats et baux signés, le nombre de commerce (plusieurs petits ou quelques gros…) etc…

Depuis le début de la crise du coronavirus, plusieurs sociétés de gestion ont communiqué auprès de leurs clients. En voici une synthèse :

  • L’impact sur le marché de l’immobilier dépendra de l’amplitude et de la durée de la crise
  • L’impact et même le retour à la normale post-crise sera différent selon les pays et les zones géographiques

Perspectives selon les segments :

  • Certains secteurs seront plus directement touchés que d'autres :
    • L’hôtellerie, le tourisme
    • Le commerce non alimentaire
    • Les parcs d’activités
    • La logistique, le fret, le transport
    • Les bureaux
  • Les secteurs les plus résilients devraient être les segments suivants :
    • Le logement, le résidentiel
    • L’immobilier de santé et d’éducation, les résidences étudiantes
  • Beaucoup de sociétés de gestion, dans la crise, ont entamé une démarche solidaire et constructive vis-à-vis des locataires (suspension des loyers, report de loyers, aménagement de locaux…).

Crise : Un impact différent au cas par cas, fonds par fonds

En période de crise comme celle du cononavirus, 5 facteurs majeurs peuvent impacter le fonctionnement, la valorisation et les rendements futurs d’un fonds immobilier :

  1. LES LOYERS : On peut anticiper un impact plus ou moins négatif sur les revenus locatifs futurs avec des suspensions, reports ou des franchises en échange d’allongement de baux, voire des renégociations de baux.

Par exemple, en Allemagne, les groupes Adidas et H&M ont annoncé vouloir cesser de payer les loyers de leurs magasins fermés. D’autres médias allemands ont rapporté que les détaillants d’électronique Saturn et MediaMarkt ainsi qu’un des rivaux d’Adidas comme Puma prévoyaient également de cesser de payer leurs loyers.

  1. LA VALORISATION DES BIENS EN PORTEFEUILLES : L’impact peut se matérialiser au niveau de la prime de risque locative exigée dans le taux d’actualisation des revenus locatifs. Cette prime de risque est comparable à une prime de volatilité sur les marchés financiers et elle pourrait augmenter.

A titre d’information, ci-dessous, nous vous communiquons la baisse des marchés sur le secteur de l’immobilier côté qui donne une idée des inquiétudes des investisseurs vis-à-vis de la classe d’actifs. Elle est similaire à la baisse des secteurs de l’Energie ou des Services financiers depuis le début de l’année. Les secteurs les plus résilients sont les sociétés du secteur de l’Or, de la Santé et de la Technologie.

A ce jour, les inquiétudes en particulier sur le marché des bureaux, du commerce, de la logistique ou du secteur de l’hôtellerie sont fortes. 



 

  1. LE MARCHE SECONDAIRE ET LES RACHATS EVENTUELS : Investir dans un fonds immobilier doit se concevoir sur le moyen/long terme. Cependant, certains investisseurs, dans la crise, souhaitent sortir pour compenser leurs pertes sur d’autres classes d’actifs ou faire face à des besoins de capitaux.
    1. Pour les SCPI à capital fixe les transactions s’effectuent par confrontation entre l’offre et la demande. Cette confrontation est organisée sur une période déterminée et peut ainsi s’effectuer à la semaine, à la quinzaine ou au mois, selon les cas. Renseignez-vous auprès de la société de gestion. Ces transactions ont été harmonisées par la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 pour améliorer la liquidité des parts. Les transactions sont soumises au droit d’enregistrement actuellement peuvent atteindre 5 % du montant, droit qui est payé par l’acquéreur.
    2. Pour les SCPI à capital variable, la société de gestion gère la liquidité : Les nouveaux souscripteurs se portent acquéreurs des parts d’un associé souhaitant se retirer, au prix de souscription en vigueur. Les SCPI à capital variable en difficulté peuvent compter plus de vendeurs que de souscripteurs : on parle de retraits non compensés. Dans ce scénario, la société de gestion peut proposer à l’associé de faire racheter ses parts via un fonds de remboursement, à condition que celui dispose des sommes suffisantes pour agir.

Lors du lundi noir du 16 mars, plusieurs sociétés de gestion ont annoncé la suspension des rachats de leurs fonds immobiliers comme Kames Capital ou Janus Henderson.

  1. L’ENDETTEMENT DU FONDS : La crise du coronavirus a déclenché une hausse des primes de risque sur l’ensemble des marchés, et notamment du risque de Crédit. Pendant la phase de correction mi-mars 2020, on estime que les spreads se sont écartés sur les signatures Investment Grade de l’ordre de +250 points de base (pb) et de +800 pb pour les émetteurs High Yield. Demande de rachats, envolée des primes de risque, marché secondaire limité … d’où l’intérêt de surveiller attentivement la qualité des sous-jacents en portefeuille de vos différents véhicules immobiliers mais aussi leur niveau d’endettement !

Rappelons qu’une SCPI par exemple détermine en Assemblée Générale son plafond d’endettement maximal mesuré par le ratio LTV (Loan-To-Value ou Endettement bancaire / valeur du patrimoine). C’est cet indicateur que vous devez surveiller et qui, habituellement, se situe à un maximum de 40 % de la valeur d’expertise.



Pour les SIIC, le niveau d’endettement se situe habituellement entre 35 et 65%.


 

Rappelons enfin que les acquisitions des actifs immobiliers s’effectuent souvent via des SCI qui peuvent elles-mêmes s’endetter et que les investisseurs peuvent également acheter les parts de fonds immobiliers (SCPI, OPCI, SIIC…) à crédit, il convient d’être vigilant sur ce point de l’endettement.

  1. LE MONTANT DES RESERVES DU FONDS : Le Report à Nouveau (ou RAN), bénéfices non distribués et mis en réservé au fil des ans par le fonds, donne un bas de laine pour continuer à distribuer des rendements et compenser, en partie les loyers impayés futurs. Il peut être utilisé pour lisser de moins bons résultats observés au cours des années à venir. Il est donc important de le surveiller dans la période actuelle. Plus la SCPI est ancienne, plus elle a de chance de disposer d’un matelas important.



Perspectives à long terme :

Tout le secteur s’accorde à dire que les volumes de transaction sur le marché de l’immobilier français et européen devraient diminuer au 1 er semestre 2020.

Mais, à long terme, les facteurs de soutien de la demande restent valables pour l’instant, comme l’effet valeur refuge de l’immobilier et le différentiel de taux de rendement entre l’immobilier d’entreprise et les obligations d’état. Ca reste également un placement incontournable pour se protéger de l’inflation (les loyers étant indexés sur l’inflation).

A ce stade, il convient de distinguer l’impact possible de la crise sur les valorisations (comme en 2008) et les répercussions sur les loyers et les rendements futurs.

N’hésitez pas à analyser vos produits immobiliers grâce aux outils Quantalys. Par ailleurs, rapprochez-vous des sociétés de gestion que vous avez sélectionnées afin de récupérer leurs communiqués envoyés dans la crise et afin de pouvoir mesurer de manière plus précise, au cas par cas, les impacts sur vos produits immobiliers.

Voici quelques exemples de communiqués :

AMUNDI :

https://www.amundi-immobilier.com/Local-Content/News/Actualites/2020/COVID-19-Point-Amundi-Immobilier

CORUM :

https://www.corum.fr/actus/coronavirus-situation-au-0704

SOFIDY :

https://www.sofidy.com/dela-apparences-limmobilier-cote-reste-refuge-epargnants/

PERIAL :

https://www.perial.com/actualites/covid-19-perial-am-repond-vos-questions?_cldee=amVhbi1mcmFuY29pcy5iYXlAd2FuYWRvby5mcg%3d%3d&recipientid=contact-e178df68a3b7e211aa95002219cafae3-f8eb3c72a4e54db0b6768ae67562d8b7&esid=f287689d-287b-ea11-a811-000d3ab85666#

PRIMONIAL :

https://www.primonialreim.com/-/actu-cp-covid-19-primonial-reim-immobilier

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.