Le monde d’après : Les lancements de fonds nous donnent déjà une idée !

Publié le 14/09/2020 - Jean-François Bay
Les lancements de fonds par les sociétés de gestion donnent toujours une tendance à la fois de la demande des investisseurs ou des distributeurs sur un marché local et également des nouvelles expertises mises en œuvre par l’industrie de l’Asset Management au niveau mondial. Cette année, dans la période de la crise sanitaire COVID-19, ces créations apportent un éclairage particulier qui répond à certaines questions : Est-ce que l’industrie est restée active pendant cette période ? Quelles stratégies de gestion ont été les plus utilisées dans ce contexte ? Quels sont les acteurs qui ont effectué le plus de lancements ? Et sur quelles thématiques ? A partir des données disponibles dans Quantalys, nous avons réussi à extraire quelques enseignements !

 

Une industrie toujours active

Depuis le mois de mars dernier, et profitant à la fois d’une baisse violente sur les marchés et d’un soutien en provenance des Banques centrales et des dirigeants politiques, les sociétés de gestion ne sont pas restées les bras croisés et ont, au contraire, été assez prolifiques durant cette période. En effet, ce sont pas moins de 5,6 milliards d’euros qui ont été collectés par plus de 80 fonds ouverts au public durant les 6 dernier mois, soit une moyenne de 13 produits par mois en incluant le mois d’aout ! Les fonds dédiés, réservés à des institutionnels et spéciaux ont été exclus du périmètre de l’étude. Autre précision : Nous prenons en compte dans cette analyse le nombre de fonds enregistrés à la vente en France (et pas le nombre de parts de fonds – ou share classes - ce qui reviendrait à multiplier par 4 le nombre de véhicules créés).

Fonds ouverts au public créés depuis 6 mois :

  • 54% sous forme de fonds de droit français
  • 46% sous forme de fonds « cross-border » domiciliés en Irlande ou au Luxembourg

En ce qui concerne les stratégies de gestion, on constate que la majorité des fonds lancés sont des fonds Actions (42% des actifs levés) et des fonds Obligataires (36% des actifs levés). Il est intéressant de noter que la part des Actifs Tangibles (Immobilier, Private Equity, Infrastructure…) est loin d’être négligeable avec 11% des actifs levés :

  • Fonds Actions                   38% des fonds et             42% des actifs levés
  • Fonds Diversifiés             21% des fonds et             4% des actifs levés
  • Fonds Actifs Tangibles   14% des fonds et             11% des actifs levés
  • Fonds Monétaires           1% des fonds et               4% des actifs levés
  • Fonds Obligataires          16% des fonds et             36% des actifs levés
  • Fonds Alternatifs             5% des fonds et               4% des actifs levés

Une gestion de plus en plus engagée

Premier constat : La montée en puissance de la gestion ISR est manifeste. Elle est devenue incontournable pour les gestion Actions avec 39% des fonds lancés et 44% des actifs levés. Elle représente sur les fonds Obligataires 22% du nombre de fonds. Elle n’épargne aucune classe d’actifs , même les actifs tangibles (immobilier, Private Equity…) , les fonds Diversifiés et les stratégies alternatives où l’on voit arriver deux fonds : BNP Paribas Environmental Absolute Return (Long / Short Equity) et Sanso ESG Market Neutral (Equity Market Neutral).

Deuxième constat : Une gestion active qui shifte vers la gestion thématique. Depuis le mois de mars 2020, les fonds Actions lancés  qui sont soit Thématiques soit ISR représentent 70% des fonds et 89% des actifs levés. La gestion thématique redonne un peu de couleur à la gestion active souvent malmenée ces dernières années par la gestion passive.  D’ailleurs, on constate une forte symbiose de la gestion thématique et de la gestion ISR (24% des actifs levés). Le combo « Tech + ISR » par exemple n’est pas rare.

 

Une gestion opportuniste grâce aux produits de campagne

Que ce soit sous la forme d’une levée de fonds sur des stratégies illiquides (FCPI, FCPR…) sur des produits structurés (Fonds à formule…) ou sous la forme de fonds à échéance, l’industrie de la gestion sait s’adapter au gré des opportunités et se mettre en ordre de bataille pour lancer des produits de campagne pour les réseaux de distribution. On estime que ces produits de campagne ont capté près d'un tiers des capitaux levés durant cette période.

 

 

Très froide ou très chaude : Une gestion bipolaire

Dans cet environnement concurrentiel, les lancements concernent soit des gestions passives (à 33%) sous forme d’ETF , soit des gestions très actives voire alternatives au sens anglo-saxon du terme. Parmi les producteurs d’ETF, on note une période riche sur le marché français pour Lyxor, Spider ou iShares. Parmi les gérants de conviction très actifs, on note Edmond de Rothschild, Rothschild & Co, Sanso IS ou Tikehau Capital. Sur les gestions dites « alternative investments », on note beaucoup de lancements chez Siparex et chez les grands réseaux de distribution (AXA, Aviva, Generali, BNP Paribas…).

 

A suivre …

En guise de conclusion, quelques tendances qui demandent à être confirmées :

  • L’encours moyen des fonds levés est de 73 millions d’euros mais cette moyenne cache de fortes disparités : Des petits fonds diversifiés locaux lancés avec 500 000 euros et des gros « blockbusters » distribués en Europe par UBS, Comgest, AllianzGI ou CPR. Il est intéressant de voir que les produits de campagne à collecter 100 ou 200 millions d’euros ne sont pas rares !
  • On voit apparaitre des fonds Diversifiés ISR (gérés par AXA IM ou Sanso IS par exemple). Il sera intéressant de voir si après la gestion Actions et la gestion de Taux, la gestion Diversifiée se transforme pour embrasser les critères extra-financiers également !
  • Sur les stratégies obligataires, quelques lancements de stratégies « indexées inflation » (Afer Inflation Monde par exemple) ou « taux variables », sorte de protection contre le risque inflationniste.
  • Sur la gestion thématique, une granularité de plus en plus forte des thématiques qui rend l’objectif d’investissement du fonds parfois difficilement lisible pour l’investisseur final : « Smart City Infrastructure », « Future Mobility ESG », « Digital Transformation Themes », « 5G Connectivity »…

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.