Alternatif pas mort

Publié le 22/10/2009 - Philippe Maupas
Enterrée hâtivement, la gestion alternative enregistre d'excellentes performances en 2009

Accusée de tous les maux depuis la débâcle des subprimes et l'affaire Madoff (dont elle était loin d'être l'unique responsable, loin de là), l'industrie de la gestion alternative a été enterrée un peu hâtivement par certains commentateurs. Il est vrai que de nombreux fonds de gestion alternative ont dû fermer (certains - peu - ont fait faillite, d'autres ont choisi de fermer et de rendre l'argent restant à leurs investisseurs).

Mais les résultats trimestriels records des grandes banques d'affaires américaines (Goldman Sachs, JP Morgan et même Morgan Stanley, qui avait pourtant connu quelques trimestres très difficiles) auraient dû mettre la puce à l'oreille aux Cassandre : les marchés se sont remis à fonctionner et les gérants alternatifs ayant survécu ne peuvent qu'en bénéficier. En effet, la faillite de Bear Stearns et de Lehman Brothers et les difficultés de financement de nombreuses institutions financières ont réduit le nombre d'acteurs, permettant aux survivants d'augmenter leur part du gâteau.

Des performances 2009 remarquables

D’après une étude récente de Crédit Suisse Tremont Index, un fournisseur d’indices de mesure de la performance des stratégies de gestion alternative, ces dernières enregistrent depuis le début de l’année des performances remarquables et sont clairement sur la voie du rétablissement : l’indice Crédit Suisse Tremont Global est en effet en hausse de 15% depuis le début de l’année 2009 (au 30 septembre) et semble en mesure d’enregistrer sur l’année sa meilleure performance depuis 10 ans.

En outre, 83% des fonds analysés sont en positif depuis le début de l’année, 26% ont totalement récupéré de leurs pertes 2008 et ont retrouvé un niveau supérieur à leur plus haut niveau historique et 27% sont à moins de 15% de ce plus haut niveau historique : pas mal pour une industrie que certains pensaient moribonde.

Une hausse quasi générale

Les 3 principales stratégies en poids dans l’indice global enregistrent de très bonnes performances. La stratégie Event Driven est en hausse de 14,7% à fin septembre 2009, le Long/Short Equity est à +16,7% et le Global Macro à +9,1%. Ces 3 stratégies enregistrent également les retraits les plus importants depuis le début de l’année, même si le Long Short Equity est en collecte positive au troisième trimestre.

La meilleure performance est réalisée par l’arbitrage de convertibles, en hausse de 40% sur l’année au 30 septembre, après une année 2008 horribilis (-31,6%). Les gérants ont su profiter des anomalies de valorisation dues à la dislocation du marché des convertibles en 2008. Les stratégies liées aux marchés émergents sont en hausse de 24,7% et les stratégies d’arbitrage de taux en hausse de 21,9%.

Seules 2 stratégies sont dans le rouge : les Managed Futures à -4,2% (après une hausse de 18,3% en 2008, année plus simple en matière de suivi de tendance – une baisse uniforme – que 2009, qui offre un contraste saisissant entre le premier trimestre – poursuite de la baisse – et les deuxième et troisième – forte hausse) ; et le Dedicated Short Bias (stratégies actions ayant un biais vendeur structurel), en baisse de 23% après une hausse de 14,9% en 2008 (difficile en effet d’être en positif quand on doit vendre des valeurs sur un marché qui monte). Quant aux fonds multistratégies, ils sont en hausse de 20,7%.

Mais des investisseurs toujours défiants

En dépit de ces performances enviables, les investisseurs ont retiré 4,8 milliards de dollars au troisième trimestre 2009, et près de 100 milliards de dollars depuis le début de l’année. La défiance est donc toujours présente, même si le rythme des retraits se ralentit trimestre après trimestre, au fur et à mesure d’un retour à la normale en matière de liquidité (voir ci-après) et de l’amélioration des performances globales des stratégies.

Un retour à la normale en matière de liquidité

La dislocation des marchés après la faillite de Lehman Brothers a conduit à une crise très sévère de liquidité : il était tout simplement impossible de vendre de nombreux actifs pour les gérants alternatifs, qui ont dû prendre des mesures conservatoires, comme la suspension des rachats ou l’activation de gates (mécanisme permettant d’échelonner les rachats quand ceux-ci dépassent un certain seuil).

Le pourcentage de fonds considérés comme « défaillants » par Crédit Suisse Tremont (c'est-à-dire ayant suspendu les rachats, ou créé une side-pocket, qui est nouveau fonds dans lequel ont été logés les actifs illiquides, ou ayant activé une « gate », à savoir limité les rachats) représente 8,5% du total, contre 11,6% à fin juin 2009.

Rappel des vertus de la gestion alternative

La gestion alternative n’est pas une solution miracle : son objectif est de délivrer des performances positives quelle que soit l’orientation des principales classes d’actifs (actions, obligations, matières premières). Elle tend donc à monter moins que les marchés, mais sa principale vertu réside dans sa capacité à ne pas baisser quand les marchés baissent, ou à baisser beaucoup moins.

Crédit Suisse Tremont fournit quelques statistiques comparant la perte maximum (maximum drawdown) depuis décembre 2007 de l’indice S&P 500 (-48,5%), de l’indice obligataire large Barclays Global Aggregate Bond (-10,1%) et de l’indice Credit Suisse/Tremont Hedge Fund (-19,5%).

Les investisseurs français peuvent s’exposer à des stratégies alternatives par le biais de fonds ARIA (à règles d’investissement allégées), sous réserve d’accepter une liquidité moindre. Pour les investisseurs désireux d’avoir une liquidité quotidienne ou hebdomadaire, sans restriction, il convient de s’intéresser aux fonds de la famille Quantalys « Performance absolue ».

Depuis quelques mois, de nombreux fonds ont choisi de quitter le cadre ARIA pour rejoindre celui du cadre réglementaire UCITS III, afin d’offrir une liquidité (voir notre analyse ici) : on rappellera simplement que la liquidité a un prix, que l’on devrait payer par des performances inférieures.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.