Qu'est-ce que la volatilité, comment l'utiliser (1) ?

Publié le 08/06/2010 - Philippe Maupas
Retour sur une mesure du risque souvent utilisée mais pas toujours bien comprise

L'analyse d'un fonds passe d'abord par celle de sa performance passée. Cette mesure est facile à comprendre, mais n'est pas suffisante, loin de là, pour apprécier la façon dont la performance a été obtenue.

Le graphique ci-dessous représente la performance de 2 fonds sur 3 ans (du 8 juin 2007 au 4 juin 2010) : celle-ci est identique pour Echiquier Patrimoine et JPM Emerging Markets Equity, à 1,55% (cliquez ici pour accéder à la comparaison dynamique).

En revanche, ce qui diffère visiblement, c'est le chemin parcouru par chacun des fonds pour arriver à destination. L'un a connu des mouvements de hausse et de baisse importants, l'autre a connu une évolution beaucoup plus régulière.

On mesure la façon dont le chemin du point de départ au point d'arrivée a été parcouru avec une donnée statistique, l'écart-type, qu'on appelle également volatilité, et qui sert à mesurer le risque passé.

Techniquement, l'écart-type d'une série de données (nous utilisons des performances hebdomadaires) mesure l'écart de ses performances hebdomadaires par rapport à sa performance hebdomadaire moyenne sur différentes périodes (1, 3 ou 5 ans). Ces écarts sont élevés au carré, pour n'avoir que des chiffres positifs, ajoutés les uns aux autres, la somme est ensuite divisée par le nombre d'observations (52 rendements hebdomadaires pour une période d'un an, 156 pour une période de 3 ans, etc.).

On prend ensuite la racine carrée du résultat pour arriver à un pourcentage qui mesure la volatilité sur la fréquence utilisée pour les observations (hebdomadaire en l'occurence). Cette volatilité est ensuite annualisée en multipliant le résultat obtenu par la racine carrée de 52 (le nombre de semaines dans une année).

Plus il y a de rendements hebdomadaires qui s'éloignent du rendement moyen, plus la volatilité est élevée. A contrario, plus les rendements hebdomadaires d'un fonds sont homogènes et s'éloignent peu de son rendement moyen, moins la volatilité est élevée.

Mal à la tête ? La volatilité est calculée sur 1, 3 et 5 ans dans les fiches fonds Quantalys, toutes les fins de mois. Elle est également calculée à la volée dans l'onglet historique des fiches fonds, dans le comparateur de fonds et dans l'outil portefeuille sur différentes périodes, dès 3 mois.

Dans l'exemple ci-dessus, la volatilité annualisée sur la période de 3 ans s'est élevée à 2,56% pour Echiquier Patrimoine et à 30,65% pour JPM Emerging Markets Equity.

La volatilité historique peut être utilisée comme suit, sous la réserve importante que le comportement futur du fonds soit semblable à son comportement passé (c'est rarement le cas, les performances n'étant pas constantes dans le temps pour la plupart des fonds) : dans 68% des cas, la performance annuelle de votre fonds sera comprise entre sa performance annuelle moyenne plus ou moins sa volatilité ; dans 95% des cas, la performance annuelle de votre fonds sera comprise entre sa performance annuelle moyenne plus ou moins deux fois sa volatilité. Pour les deux fonds ci-dessus, la performance annuelle moyenne de chaque fonds est de 1.55%/3, soit 0.52%.

Dans 68% des cas, la performance d'Echiquier Patrimoine ira de -2.04% (soit 0.52% - 2.56%, sa volatilité annualisée) à +3.08% (soit soit 0.52% + 2.56%), et celle de JPM Emerging Markets Equity ira de -30.13% (soit 0.52% - 30.65%, sa volatilité annualisée) à +31.17% (soit soit 0.52% + 30.65%).

Dans 95% des cas, la performance d'Echiquier Patrimoine ira de -4.60% (soit 0.52% - 2 x 2.56%) à +5.64% (soit 0.52% + 2 x 2.56%), et celle de JPM Emerging Markets Equity ira de -60.78% (soit 0.52% - 2 x 30.65%, sa volatilité annualisée) à +61.82% (soit soit 0.52% + 2 x 30.65%).

On voit donc qu'à rendement attendu égal, plus élevée est la volatilité, plus large est la plage de distribution de la performance future possible, donc l'incertitude.

Marchés actions baissiers = volatilité en hausse

L'expérience prouve que la volatilité des marchés actions augmente en période de baisse de ces marchés. Elle n'en est pas la cause, mais la conséquence : quand la volatilité d'un fonds augmente, c'est généralement parce qu'il a déjà baissé, du fait du mode et de la fréquence (mensuelle) de calcul.

Les graphiques ci-dessous en sont l'illustration. Nous avons utilisé un fonds indiciel, Vanguard European Stock Index Fund (part I), répliquant la performance de l'indice MSCI Europe.

Il enregistre de février 2003 à juillet 2007 une hausse spectaculaire, puis de juillet 2007 à mars 2009 une baisse non moins spectaculaire, suivant en cela son indice de référence.

Sa volatilité 1 an, oscille entre 8% (un niveau très bas pour les marchés actions européennes) et 18% (un niveau historiquement normal) entre mars 2004 et octobre 2008, puis augmente très brutalement jusqu'à fin septembre 2009, pour atteindre le niveau très élevé de 41,5% à cette date. Cette hausse de la volatilité est le reflet de la baisse brutale du fonds entre juillet 2007 et mars 2009 (ce graphique est extrait de l'onglet Pro+ des fiches fonds, accessibles aux détenteurs d'une licence Quantalys Pro+).

Pour corroborer ce cas empirique, nous avons calculé la volatilité annualisée pour les mois en baisse du MSCI France de février 1999 à mai 2010 (il y en a eu 58) et celle pour les mois en hausse (il y en a eu 78) : la volatilité pour les mois en baisse est de 13,19%, contre 10,60% pour les mois en hausse.

Sur la même période, pour le MSCI Zone Euro, la volatilité pour les mois en baisse (61) est de 14,07%, contre 11,16% pour les mois en hausse (75).

Sur la même période, pour le MSCI Etats-Unis (en euros), la volatilité pour les mois en baisse (71 mois) est de 12,16%, contre 9,74% pour les mois en hausse (65 mois).

Enfin, pour le MSCI Marchés Emergents en euros, la différence est moins nette, puisque la volatilité pour les mois en baisse (53) est de 14,93%, contre 13,92% pour les mois en hausse (83). La hausse a donc été presque aussi heurtée que la baisse sur cette classe d'actifs sur la période. En revanche, quand on fait débuter l'analyse en mars 2003, et que l'on omet donc la période février 1999/février 2003 (explosion de la bulle internet), la volatilité sur les mois en baisse (30) est de 16,59%, contre 12,14% sur les mois en hausse (57).

Pour résumer, en général, quand les actions baissent, la volatilité augmente et vice-versa. Les 2 actifs ont donc une corrélation négative.

La volatilité, une classe d'actifs

Si une volatilité en hausse est généralement la conséquence a posteriori d'une baisse des marchés actions, il est néanmoins possible d'en profiter via certains fonds cherchant à s'exposer profitablement à cette classe d'actifs.

Nous verrons prochainement dans le second article de cette série par quelles techniques il est possible de s'exposer à la volatilité et quels fonds le permettent.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.