Gare au biais domestique

Publié le 19/11/2010 - Philippe Maupas
Pour BNY Mellon Asset Management, il faut investir dans le monde entier

Dans une étude récente, "Global Investing, expanding the opportunity set", BNY Mellon Asset Management insiste sur l'importance d'une diversification mondiale dans un portefeuille, rappelant que si toutes les actions ont connu de fortes baisses de l'été 2007 à mars 2009, certaines sont reparties beaucoup plus vites que d'autres, notamment les valeurs des pays dits émergents.

Pour le gérant d'actifs américain, avoir une approche globale permet de s'exposer à des régions à fort potentiel et de diversifier les risques d'un portefeuille (donc d'en réduire le risque agrégé). L'approche globale est sous-tendue par quelques évolutions fondamentales : la montée en puissance des pays émergents qui prennent le relais des pays dits développés et deviennent les locomotives de l'économie mondiale ; la croissance du commerce mondial au fur et à mesure de la diminution des barrières douanières ; le montée en puissance des marchés de capitaux dans les pays dits émergents et son corollaire, la croissance de la part relative des marchés d'actions en dehors des Etats-Unis et de l'Europe.

Si les raisons d'investir globalement sont peu contestables, la plupart des investisseurs ne savent pas réellement comment investir globalement, pour de multiples raisons : crainte du risque de change ; inquiétudes sur la liquidité de certains marchés ; incertitude politique et fiscale dans certains pays, y compris développés, comme le cas de la Grèce l'a montré. Toutes ces raisons peuvent expliquer un phénomène connu, le biais domestique, qui consiste pour un investisseur à être surexposé aux valeurs de son pays d'origine. Par surexposé, il faut entendre exposé beaucoup plus que le poids du pays dans l'économie mondiale ne le justifierait.

L'étude cite à cet égard des chiffres très parlants, extraits d'études réalisées par Wilshire Consulting (2007) et Greenwich Associates (2008) auprès d'investisseurs institutionnels dans quelques grands pays dits développés sur le poids des actions domestiques dans leur portefeuille. Pour les chiffres concernant l'Allemagne, l'Italie et la France, Wilshire considère l'Europe comme le marché domestique de ces 3 pays.

Le graphique ci-dessous, extrait de l'étude de BNY Mellon AM, indique le poids des actions domestiques dans le portefeuille (barre de gauche), le poids du pays dans le monde (barre du milieu) et la surexposition (barre de droite), qui est égal au poids des actions domestiques dans le portefeuille moins le poids du pays dans le monde. Cette surexposition va de 27% (pour les investisseurs institutionnels aux Etats-Unis) à 67% (pour les investisseurs institutionnels en Italie). On notera que les investisseurs institutionnels français sont également très sujets au biais domestique (avec une surexposition de 55% aux valeurs européennes).

Eu égard au degré de sophistication des investisseurs institutionnels, que l'on suppose en moyenne plus élevé que celui des investisseurs particuliers, on peut faire l'hypothèse que ce biais domestique existe également chez les particuliers.

Selon les rédacteurs de l'étude, il convient de tenir compte du poids grandissant des pays émergents dans les portefeuilles actions, mais également dans les portefeuilles obligataires. Pour la poche obligataire, contrairement à la poche actions, le biais domestique peut être justifié par les contraintes de passif de l'investisseur institutionnel. On notera que la plupart des investisseurs privés en France ne gèrent pas explicitement leur passif via des produits obligataires, et recherchent en priorité avec une exposition obligataire une revalorisation de leur capital avec un risque inférieur à celui des actions.

Même plaidoyer en faveur d'une exposition globale pour les classes d'actifs alternatives : de l'investissement en immobilier coté (grâce à la propagation du statut des REIT - l'équivalent des SIIC en France - dans un nombre croissant de pays) à celui en capital investissement.

Enfin, les rédacteurs de l'étude insistent sur le fait que les devises constituent une classe d'actifs à part entière, à utiliser dans une poche de réduction du risque comportant des stratégies de performance absolue actions et taux.

Les allocations d'actifs de la frontière efficiente Quantalys permettent d'éviter les travers du biais domestique : l'exposition maximum aux fonds d'actions françaises est de 18% (dans la frontière assurance vie), elle baisse même à 16% dans l'allocation d'actifs la plus offensive, composée à 100% d'actions (et donc exposée à 84% à des actions hors fonds actions France).

Il est possible de s'exposer à des valeurs internationales en recherchant des fonds Actions zone Euro ou Europe, des fonds Actions Amérique du Nord, des fonds Actions Asie, des fonds Actions Pays Emergents ou bien des fonds sectoriels. Si vous ne souhaitez pas choisir les zones géographiques et les pondérer, vous pouvez également vous exposer à des fonds Actions Monde.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.