Gestion active/passive, réaction #6

Publié le 08/07/2016 - Guy Fermon
Le point de vue de Guy Fermon, sélectionneur de fonds

La question Gestion Active vs Gestion Passive a largement été étudiée et le verdict est sans appel : au bout de 10 ans, rares sont les gérants qui affichent des performances supérieures à celles de la gestion passive.

Warren Buffett lui-même a demandé à ses héritiers d’investir 90% de sa fortune sur l’indice S&P 500.

Le débat semble donc clos : pour la plupart des investisseurs, le choix de la gestion passive sera pertinent.

Mais comment expliquer que les meilleurs esprits, formés dans les meilleurs établissements, dotés des meilleurs outils soient battus par la gestion passive qui se contente d’investir systématiquement dans toutes les sociétés du marché ?

C’est la question que s’est posée Randy Cohen, professeur à Harvard, dans son livre « Best Ideas » publié en octobre 2009.

Il a analysé en profondeur les décisions de centaines de gérants actifs et les résultats de son étude sont surprenants.

Oui, les meilleures idées d’investissement des gérants surperforment très significativement l’indice, MAIS pour respecter les contraintes réglementaires et ne pas trop s’éloigner de leur indice de référence, ce qui ferait fuir les investisseurs, les gérants diversifient leur portefeuille et investissent dans des sociétés dont les performances attendues sont bien moins attractives.

La conclusion est paradoxale : pour surperformer un indice, il ne faut pas chercher à le battre.

Mais pourquoi un gérant devrait-il chercher à battre un indice ?

C’est assurément le meilleur moyen d’augmenter ses encours et d’assurer la fortune du gérant (et des intermédiaires), mais est-ce vraiment l’intérêt de l’investisseur ?

Si l’on admet que le véritable but de l’investisseur est de tirer parti de la puissance des intérêts composés, alors sa priorité devrait être de limiter les pertes (Drawdown) qui peuvent détruire en quelques mois des performances de plusieurs années.

Au lieu de chercher la performance à tout prix, il vaut mieux rechercher la performance avec un minimum de risque nécessaire pour l’obtenir. Le risque n’est donc évidemment pas la volatilité, mais bien le risque de perte.

C’est lorsque les marchés sont en crise, que les meilleurs gérants se révèlent. Pour citer Warren Buffett : « quand la mer se retire, on voit ceux qui se baignent nus».

Les indices, insensibles aux niveaux de valorisation, ne protègent pas de l’explosion des bulles (bulle Internet, bulle du Nikkei, bulle bancaire…). L’investisseur en gestion passive subit alors de plein fouet le dégonflement de la bulle. Le prix de la recherche de performance devient alors prohibitif.

Avant de s’extasier sur les performances des indices, l’investisseur prudent devrait d’abord s’assurer qu’il est capable d’assumer les pertes maximales observées ainsi que leur durée.

Il n’en demeure pas moins qu’il existe des gérants qui surperforment l’indice et qui protègent le capital de l’investisseur des baisses trop violentes ou trop prolongées.

Il suffirait donc de confier son argent à ces rares experts au lieu de faire confiance à une gestion entièrement passive.

Malheureusement, pour les trouver, il ne suffit pas de consulter les classements Morningstar ou Quantalys, car les bonnes performances de l’année écoulée n’ont aucun pouvoir prédictif des performances de l’année suivante.

Sans détailler tous les critères qui permettent d’identifier les meilleurs gérants, on remarque qu’ils partagent des caractéristiques communes : gestion non benchmarkée, portefeuille concentré, recherche fondamentale effectuée en interne, maitrise des encours, investissement personnel dans le fonds, processus de gestion robuste.

Mais attention, tous les gérants qui surperforment à long terme connaissent des périodes de sous-performance qui peuvent durer plus d’un an. C’est d’ailleurs le pire moment pour les quitter car les années de sous-performance sont généralement suivies de périodes de surperformance.

De ce fait, lorsque vous aurez trouvé le gérant idéal, vous devrez accepter cette période de frustration et vous armer de patience car il vous restera à vaincre le pire ennemi de l’investisseur : vous-même.

 

Guy Fermon est sélectionneur de fonds.