Le grand retour du cycle économique

Publié le 15/07/2008 - Philippe Maupas
On l'avait presque oublié, mais dans le cycle économique, la récession succède à l'expansion

Les investisseurs aiment les contes de fées et certains avaient fini par croire au nouveau paradigme (avez-vous déjà oublié le précédent, lié au boom de l'internet à la fin des années 1990 ?) : un monde multipolaire, où les marchés émergents prendraient le relais des Etats-Unis quand ceux-ci prendraient froid et soutiendraient la croissance économique mondiale ? Une inflation durablement sous contrôle grâce à la Chine, grande exportatrice de déflation ?

Le nouveau paradigme a volé en éclats depuis bientôt 2 ans : coup de grisou sur la croissance des grands pays développés, éclatement de bulles immobilières multiples, crise du crédit, faillites bancaires, reprise violente de l'inflation en raison de la hausse spectaculaire des cours de certaines matières premières puis décrue spectaculaire de cette même inflation en raison du reflux tout aussi spectaculaire du cours de ces mêmes matières premières.

Retour sur le devant de la scène du cycle économique, qu'on avait un peu oublié en raison de la hausse continue et spectaculaire des indices boursiers développés et émergents entre 2003 et 2007.

Et pourtant, le cycle économique existe toujours et présente des caractéristiques largement inchangées, nouveau paradigme après nouveau paradigme : 5 phases, la reprise initiale, la phase initiale de l'expansion, la phase finale de l'expansion, le ralentissement et la récession.

La phase de reprise initiale dure quelques mois. La confiance des consommateurs, des industriels et des investisseurs augmente. Les gouvernements peuvent accélérer la reprise en creusant leurs déficits budgétaires pour stimuler l'activité et les banques centrales fixent les taux d'intérêt à un niveau suffisamment bas pour encourager les emprunteurs. L'inflation décroît, les fournisseurs de biens et services n'ayant pas encore les moyens de faire passer des hausses de prix. Les rendements obligataires atteignent un plus haut (et le cours des obligations un plus bas) et le cours des actions commence à augmenter, anticipant la reprise.

La phase initiale de l'expansion peut durer entre une et plusieurs années. La croissance économique accélère et l'inflation diminue. Le niveau de confiance des consommateurs, des industriels et des investisseurs continue d'augmenter. Les stocks augmentent, les entreprises produisant plus car elles ont confiance dans leur capacité à écouler leurs stocks en raison d'une demande croissante. Les taux d'intérêt à court terme augmentent, les rendements obligataires sont stables ou augmentent (et les cours des obligations sont stables ou baissent), les cours des actions continuent d'augmenter.

La phase finale de l'expansion se caractérise par un haut niveau de confiance et d'emploi. L'inflation commence à augmenter. En réaction, les banques centrales limitent la croissance de la masse monétaire, notamment en augmentant les taux d'intérêt à court terme. Les rendements des obligations augmentent et leur cours baisse. Le cours des actions continue d'augmenter, avec une volatilité croissante due à l'incertitude des investisseurs quant à la fin de cette phase.

Le ralentissement dure de quelques mois à une année ou plus. Cette phase se caractérise par un niveau de confiance en baisse, une inflation qui continue d'augmenter sur sa lancée, des stocks en baisse. Les taux d'intérêt à court terme atteignent leur niveau le plus élevé sur tout le cycle économique. Les rendements obligataires atteignent également leur plus haut et peuvent commencer à baisser (auquel cas le cours des obligations monte). Enfin, le cours des actions baisse.

La récession dure entre 6 mois et un an. Les niveaux de stocks et la confiance baissent considérablement, les profits des entreprises diminuent. L'inflation cesse d'augmenter. Les taux d'intérêt à court terme baissent, ainsi que les rendements obligataires, alors que le cours des obligations augmente. A la fin de la récession, les cours des actions commencent à augmenter, anticipant le retour de la croissance.

Nul ne conteste plus que les Etats-Unis et l'Europe sont en récession depuis plus d'un an.

Quelles conclusions en tirer pour la construction d'un portefeuille ?

Si vous êtes capable de prédire avec un niveau de confiance suffisant les différentes phases, n'hésitez pas à investir dans les actifs se comportant bien dans cette phase, sinon, et c'est notre cas, n'essayez pas d'anticiper les différentes phases du cycle économique, définissez une allocation d'actifs cible et construisez un portefeuille diversifié, qui devrait vous permettre de traverser les cycles économiques.

Tactiquement, il est possible de donner un biais défensif aux fonds de votre allocation d'actifs. Pour la poche obligataire, en favorisant les obligations court terme, moins sensible au risque (certes infime à l'heure actuelle) de remontée des taux d'intérêt, et presque aussi rémunératrice que les obligations moyen et long terme, en raison de l'aplatissement de la courbe des taux.

Pour la poche actions, en favorisant les fonds résistant à la baisse. Comment ? En choisissant des fonds à beta baissier faible (par exemple les fonds ayant un beta baissier sur 1 ou 3 ans inférieur à 0,7). Le beta mesure la réactivité du fonds par rapport au marché. Un beta supérieur à 1 indique que le fonds réagit plus que le marché, un beta inférieur à 1 qu'il réagit moins que le marché. Nous calculons les beta haussiers et baissiers des fonds sur 1, 3 et 5 ans, vous pouvez ainsi, en choisissant comme critère de recherche le beta baissier, identifier les fonds les plus résistants en phase de baisse.

Depuis le point bas de mars 2009, les marchés actions ont commencé à anticiper la reprise. Si vous pensez que celle-ci approche, vous pouvez resensibiliser votre portefeuille en arbitrant les fonds défensifs au profit de fonds plus offensifs (sélectionnés cette fois-ci sur le critère du beta haussier). Cet exercice d'ajustement tactique des composants du portefeuille est réservé aux investisseurs avertis ou bien conseillés.

Vous pouvez faire des recherches en fonction du beta des fonds avec le sélecteur de fonds Quantalys, accessible gratuitement ici.

Vous pouvez construire des portefeuilles diversifiés avec l'optimiseur Quantalys, accessible au détenteurs d'une licence. Nos différentes offres sont décrites ici.

Cet article doit beaucoup au chapitre 4.1, "Business cycle analysis", du livre "Managing Investment Portfolios : a dynamic process" de John L. Maginn, Donald L. Tuttle, Dennis W. McLeavey et Jerald E. Pinto, paru aux éditions du CFA Institute.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.