Le fonds de dotation d'Harvard à la peine

Publié le 04/12/2008 - Philippe Maupas
Même les fonds les mieux gérés souffrent de la dislocation des marchés

8,6% de performance annuelle nette de frais sur l'année fiscale 2008 se terminant au 30/6/2008 ; 17,6% de performance annualisée sur 5 ans à la même date ; 13,8% de performance annualisée sur 10 ans à la même date. Qui dit mieux ? Il s'agit de la performance du fonds de dotation de l'université américaine d'Harvard, géré par la Harvard Management Company (HMC).

L'exemple de HMC est intéressant à double titre : c'est d'abord et avant tout une illustration de l'importance de définir une allocation d'actifs cible et s'y tenir, mais également la preuve que dans cette crise, "ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés", y compris les meilleurs.

Des résultats exceptionnels, une allocation d'actifs très diversifiée

Le fonds de dotation de l'université d'Harvard, qui a un rôle crucial dans le financement de l'université, avait une valeur de marché de près de 37 milliards de dollars US au 30/6/2008.

Son allocation d'actifs stratégique est diversifiée et utilise des classes d'actifs peu conventionnelles puisque les actifs réels en représentent 26% en 2009.

Actions USA 12%

Actions internationales 11%

Actions pays émergents 10%

Private Equity 11%

Performance absolue 18%

Haut rendement 1%

Actifs réels

Matières premières 8%

Terres agricoles et forêts 9%

Immobilier 9%

Obligations USA 5%

Obligations internationales 3%

Obligations indexées sur l'inflation 7%

Cash -5%

La performance remarquable de 8,6% réalisée sur 1 an au 30/6/2008 s'explique comme suit :

Actions USA -12,7%

Actions internationales -12,1%

Actions pays émergents 7,6%

Private Equity 9,3%

Performance absolue 0,1%

Haut rendement -8,3%

Actifs réels 35,8%

Obligations USA 16,1%

Obligations internationales 21,3%

Obligations indexées sur l'inflation 20,3%

On notera la médiocre performance de la poche performance absolue (fonds de gestion alternative), la performance stratosphérique des actifs réels (par nature très illiquides) et la performance remarquable de la poche obligations.

N'espérez pas égaler ces performances, vous n'avez pas accès à toutes les classes d'actifs d'une part, ni aux meilleurs fonds pour couvrir ces classes d'actifs d'autre part. On peut en revanche s'inspirer de l'exemple de ce fonds, qui se fixe une allocation d'actifs stratégique (policy portfolio) et la fait évoluer marginalement tous les ans en fonction de ses anticipations.

Un fonds touché de plein fouet par la crise

En dépit de son exceptionnel historique de performance et de la qualité remarquable de ses équipes de gestion, le fonds de dotation d'Harvard souffre de la dislocation des marchés, comme tout le monde.

Dans une lettre au conseil des doyens en date du 2 décembre 2008, le président d'Harvard a jugé nécessaire de faire le point sur la situation du fonds de dotation, seulement 5 mois après la clôture de l'exercice 2008.

En effet, les pertes entre le 1er juillet 2008 et le 31 octobre 2008 sont estimées à 22%. La réalité est sans doute pire, car la valorisation des poches de private equity et d'immobilier physique, gérées par des sociétés externes, est sans doute appelée à baisser considérablement.

La perte attendue pour l'exercice en cours est de 30% : jamais en 40 ans le fonds n'avait connu de baisse aussi prononcée, sa plus mauvaise année étant 1974, avec une performance de -12,2%.

Morale : dans la dislocation actuelle de tous les marchés, nul n'est à l'abri, dès lors qu'une partie de l'allocation d'actifs est exposée aux marchés d'actions, de taux, de devises, des matières premières ou aux actifs réels comme l'immobilier, particulièrement malmené dans le monde entier.

Que faire, si même les meilleurs souffrent (et nous considérons que HMC est une des meilleures sociétés de gestion au monde) ?

Valider que votre allocation d'actifs est en phase avec votre horizon de placement, votre objectif de performance, votre tolérance au risque et vos besoins de liquidités à différents horizons (ce dernier point est crucial pour le fonds de dotation d'Harvard, qui finance les investissements et le budget de fonctionnement de l'université, il peut être crucial pour n'importe quel investisseur et ne doit pas être négligé).

Et prendre patience.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.