Le surplus d’épargne lié à la crise du COVID atteindrait 100 milliards d’euros en 2020 pour les ménages français

Publié le 23/06/2020 - Jean-François Bay
Selon la Banque de France, leur taux d’épargne bondirait à 22% en 2020 avant de se replier en 2021 et 2022 mais pour rester sur des niveaux élevés. Le surcroît d’épargne « forcée » ainsi généré atteindrait de plus de 100 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2020. Où est allé ce surplus d’épargne ? Les ménages ont-ils favorisé les fonds en euros ou les UC ? Comment réorienter cette épargne liquide ?

Selon la dernière évaluation des risques du système financier réalisée par la Banque de France, sorte d’étude prospective sur tout l’éco-système financier y compris l’épargne des ménages, et sorti le 23 juin 2020, les ménages français subiraient en 2020 une baisse de leur pouvoir d’achat qui serait somme toute limitée par l’ampleur des amortisseurs budgétaires.

Un taux d’épargne qui bondit à 22% et qui devrait rester élevé

Selon la Banque de France, leur taux d’épargne bondirait à 22% en 2020 avant de se replier en 2021 et 2022 mais pour rester sur des niveaux élevés. Le surcroît d’épargne « forcée » ainsi généré atteindrait de plus de 100 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2020. Il ne serait que partiellement consommé dans les trimestres à venir en fonction de l’évolution de la menace épidémique et de l’évolution du chômage.



Dans le détail, l’institution note que la forte hausse de l’épargne des français intervenue pendant le confinement s’est traduite une augmentation des dépôts bancaires (+45 milliards d’euros en mars et avril), dont 27,7 milliards pour les dépôts à vue et 17,3 milliards pour les dépôts rémunérés.

Parallèlement, la production de crédit sur la même période a été ralentie, conduisant à des flux nets de crédits négatifs en avril (-4,2 milliards d’euros), après une quasi-stabilité en mars à -0,3 milliard

d’euros. Au total, hors placements non bancaires, le surplus d’épargne financière nette des ménages (numéraire + dépôts – crédits) était de 22,5 milliards en mars et continuerait d’augmenter en avril pour atteindre 31 milliards, soit 53,5 milliards en cumul.

 

La collecte brute d’assurance-vie, et plus particulièrement celle sur les supports en euros, a connu un très fort ralentissement depuis le début de l’année 2020 sans que l’évolution très mesurée des rachats ne traduise une perte de confiance dans l’assurance vie.

Le ralentissement de la collecte sur les supports en euros s’inscrit dans une dynamique initiée avant la crise. Depuis plusieurs années, les assureurs-vie ont en effet cherché à limiter la collecte sur les supports en euros au profit des unités de compte, qui présentent l’avantage d’un moindre risque de taux pour les assureurs que les contrats euros, dont les rendements sont garantis.



Dans la crise, un comportement inhabituel des ménages en faveur des UC

Si les flux se portent de manière croissante sur les supports en unités de compte (UC) susceptibles d’offrir de meilleurs rendements en contrepartie d’un risque, les phases de turbulence financière suscitent souvent une recherche de sécurité de la part des épargnants. Ainsi sur les contrats existants, les arbitrages se font en faveur des supports en euros, au détriment des supports en UC, lorsque les actifs risqués baissent (actions et obligations d’entreprise). Le début de l’année 2020 constitue à cet égard une exception notable.

Une défiance du fonds en euros qui s’explique par des perspectives de rendement très faibles

La Banque de France fait remarquer que plus la durée pendant laquelle les assureurs seront exposés à des taux bas est importante, plus les assureurs seront contraints. Les rendements financiers qu’ils tirent actuellement de leur actif leur permettent de maintenir une rémunération compétitive en environnement de taux bas tout en dotant la provision pour participations aux bénéfices qui permet de lisser dans le temps les rendements servis aux épargnants.



 

Mais ces rendements financiers baissent de façon tendancielle et inéluctable dans un contexte de récession qui laisse présager des taux durablement bas.

Attention, dans l’hypothèse contraire d’un choc de taux à la hausse, les assureurs pourraient manquer de marges de manœuvre pour offrir des rendements suffisamment attractifs sur les nouveaux contrats, ce qui les rend vulnérables à un tel scénario.

De fait, le scénario central retenu par l’institution est logiquement un contexte de taux durablement bas. Sous l’hypothèse forte d’un réinvestissement des titres de créance arrivant à échéance par les assureurs dans des obligations à taux 0 % et d’une collecte nette nulle sur les supports en euros, cette baisse du taux de rendement de l’actif pourrait se poursuive à un rythme d’environ -25 points de base par an sur les 5 prochaines années exercices, soit -1.25% sur la période.

L’année 2019, aura été marquée par une baisse significative des taux après une période de stabilité pour les exercices 2017-2018. En effet, il a été constaté une baisse des taux de l’ordre de 0,40% faisant passer le taux de revalorisation moyen des contrats d’épargne et de retraite individuels à un chiffre proche de 1,4 % au titre de l’année 2019. En prenant comme hypothèse une baisse du taux de rendement de 1.25%, les rendements bruts (sans déduire l’inflation, les frais et les taxes) du fonds euros seraient donc proche de 0%. La Banque de France, dans ses simulations sur 2030, arrive même à un rendement négatif proche de -0.50% à l’horizon 2030 pour le fonds en euros (soit seulement 0.55% pour le rendement de l’actif des assureurs) dans les conditions financières actuelles.

Orienter cette épargne vers les besoins de financement

L’institution publique conclue son rapport en lançant des pistes de réflexion sur la réorientation de cette épargne vers les besoins de financements des grands enjeux à moyen terme :

  • Les besoins de financements des PME qui ont aujourd’hui peu de substituts au financement bancaire au sein de l’UE et également aux entreprises à fort potentiel de croissance qui ont besoin de marchés dynamiques et profonds pour financer tout leur cycle de développement.
  • Les besoins de financement liés au changement climatique

Lien vers l’étude complète

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.