Le match Spécialistes vs Généralistes : Quelle stratégie gagnante pour nos champions français de la gestion ?

Publié le 18/08/2020 - Jean-François Bay
La France a la chance de compter 4 grandes maisons faisant partie du Top 30 des plus grands gérants mondiaux en terme de capitaux gérés pour compte de tiers. Aussi, il est intéressant de voir comment se sont comportés nos champions français dans la crise actuel entre le modèle « multi-boutiques » développé par Natixis ou Amundi contre le modèle des « généralistes » développé par AXA et BNP Paribas.

Leipzig/PSG et OL/Bayern : Encore une fois, les grands matches de football au niveau européen voient l’affrontement d’un collectif composé d’éléments quasiment inconnus (qui connait les attaquants de Leipzig comme Timo Werner ou Patrik Schick ?) contre une équipe composée d’individualités stars (qui ne connait pas Mbappé ou Neymar ?).

La compétition parmi les grands de la gestion d’actifs présente souvent le même type d’opposition : Le modèle « multi-boutiques » ou « multi-spécialistes » contre le modèle « généralistes » ou « intégré ». Dans la catégorie « multi-spécialistes » au niveau mondial, on peut citer par exemple BNY Mellon avec ses 1900 milliards € d’actifs gérés par 8 sociétés de gestion différentes (Newton, Insight, Dreyfus…) ou New York Life Investments et ses 500 milliards € sous gestion gérés par une dizaine d’acteurs (Candriam, Madison Capital, MacKay Shields…).

Dans la catégorie des maisons de gestion « intégrées » qui distribuent leurs fonds sous une seule marque ombrelle voire deux. C’est le cas d’acteurs indépendants comme BlackRock et ses 5300 milliards € sous gestion ou Vanguard et ses 4300 milliards. C’est surtout souvent le cas des grands réseaux Retail, banques de détail ou assuerurs, qui veulent capitaliser sur une marque connue par le client final (HSBC Global Asset Management, UBS Asset Management…).

La France a la chance de compter 4 grandes maisons faisant partie du Top 30 des plus grands gérants mondiaux en terme de capitaux gérés pour compte de tiers. Aussi, il est intéressant de voir comment se sont comportés nos champions français dans la crise actuel entre le modèle « multi-boutiques » développé par Natixis ou Amundi contre le modèle des « généralistes » développé par AXA et BNP Paribas.

Les forces en présence : Avantage à l’acquisition de boutiques indépendantes  

Dans la course à la taille critique au niveau mondial, nul doute que la stratégie de la croissance externe permet de se constituer rapidement des expertises pointues et d’augmenter sa présence locale. Natixis avec la vingtaine de boutiques américaines et Amundi avec Pioneer (+250 milliards € sous gestion) ont pu grossir grâce à ces acquisitions. Dernière acquisition en date : La filiale du Crédit Agricole vient de racheter fin janvier 2020 l’espagnol Sabadell AM et intègre au passage 22 milliards d'euros supplémentaires (montant des actifs sous gestion de Sabadell AM au 31 décembre 2019). Plus de 70 % de ces encours sont gérés sous forme de fonds domiciliés en Espagne.

La question de l’intégration au sein d’une seule marque ombrelle ou du maintien de la marque achetée se pose : Natixis a pris le parti, autour d’une marque générique Natixis différente des réseaux (Caisses d’Epargne, Banques populaires …) de conserver toutes les marques des sociétés rachetées (comme le rachat de DNCA en 2015 par exemple). Elle a même poussé l’exercice jusqu’à créer de nouvelles marques à partir d’expertise du groupe, sorte de filialisation (Seeyond, Mirova, Thematics …).

Stratégie opposée : AXA et BNP Paribas ont choisi de loger les différentes expertises sous une seule et même marque. AXA intègre le gérant quantitatif américain Rosenberg qui deviendra AXA Rosenberg ou intègre le gérant anglais discrétionnaire Framlington pour créer AXA Framlington.

Entre les deux, Amundi a bâti une stratégie proche de celle du groupe Natixis autour d’une marque générique (Amundi) différente des marques des réseaux (Crédit Agricole, Société générale, Unicredit…) mais plus opportuniste ou l’intégration des marques (Pioneer, Sabadell…) côtoie le maintient de boutiques indépendantes (CPR AM, BFT IM…).

Dans la crise : Avantage aux maisons intégrées

Lorsque l’on regarde l’évolution des actifs gérés uniquement via les fonds ouverts en Europe (UCITS) on s’aperçoit que , même si le vaisseau amiral a réussi à résister dans la crise voire à augmenter ses encours sur le premier semestre (AXA IM +6%, BNP Paribas AM +4%), la déception est venue des boutiques indépendantes positionnées sur des stratégies souvent plus risquées et parfois moins institutionnelles que la maison mère.

Qualité des fonds : Des gestions de caractère chez les boutiques

En analysant les qualités de gestion des fonds, à travers notamment la moyenne des étoiles Quantalys des différentes maisons de gestion, on note que la qualité moyenne des gestions proposées par les maisons mères est de bonne facture alors même que le nombre de fonds gérés et la taille des actifs gérés sont importantes. La répartition du nombre d’étoiles est assez homogène :

  • 33% d’excellents fonds 4 ou 5 étoiles,
  • 33% de fonds de qualité moyenne avec 3 étoiles,
  • 33% de fonds de qualité médiocre avec 1 ou 2 étoiles

C’est AXA IM qui s’en sort le mieux avec en moyenne 46% des fonds distribués ayant 4 ou 5 étoiles pour, rappelons-le, environ 1000 fonds ! Maintenir ce niveau de qualité pour une gamme aussi large nécessite des ressources importantes (humaines, technologiques, d’analyses, de contrôle des risques…). Amundi n’est pas loin avec une moyenne de 40% pour plus de 2000 fonds distribués !

En revanche, la dispersion est forte chez les boutiques : Les excellentes performances de certains spécialistes (Mirova, Architas, Vega, Amundi ETF…) côtoient le moins bon (H2O, DNCA, Dorval, Rosenberg…).

Des grosses machines à gagner

On ne sait pas encore si Leipzig ou l’OL vont gagner cette année mais ce que l’on sait c’est qu’au football, dans le dernier carré, les statistiques montrent que ce sont les grosses écuries qui s’imposent en moyenne ! Même si le Real de Madrid n’est pas passé cette année, rappelons que ce club a remporté de nombreuses fois la Ligue des champions ces dernières années (1998, 2000, 2002, 2014, 2016, 2017 et 2018 de mémoire).

Addition de spécialistes ou intégration dans un généraliste, l’industrie de la gestion d’actifs ne fait pas défaut à cette règle et les grands gérants mondiaux vont continuer de croître. Et dans un environnement de taux bas, de croissance molle, de zone vieillissante, cette croissance viendra surtout de la croissance externe dans le futur.

Ce mouvement était déjà présent depuis plusieurs années : par le besoin de maitriser sa distribution et d’avoir accès directement aux capitaux des investisseurs finaux, par une réglementation de la distribution plus pesante, par une concurrence féroce de la gestion passive, par une transparence sur les frais, par une pression sur les marges, par un renchérissement de la recherche financière et extra-financière, par une course frénétique aux investissements technologiques toujours plus coûteux… Avec la crise du COVID, ce mouvement s’est renforcé !

Et parfois, dans une évolution des espèces très darwinienne, lorsque de nouvelles stratégies ou de nouveaux gérants indépendants apparaissent, on assiste souvent à la fusion de deux espèces pour renforcer un groupe. Ce mouvement de rapprochement ne risque pas de s’arrêter !

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Vous pouvez retrouver toutes les statistiques sur les différentes sociétés de gestion en parcourant les Fiches Sociétés de chaqque entité ou des groupes sur Quantalys :

http://www.quantalys.com/SocieteGestion/Synthese/311

http://www.quantalys.com/SocieteGestion/Synthese/3440

http://www.quantalys.com/SocieteGestion/Synthese/358

http://www.quantalys.com/SocieteGestion/Synthese/317

 

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.