Faillite de Greensill : 4 fonds Credit Suisse AM pour une valeur de 10 milliards USD sont liquidés !

Publié le 18/03/2021 - Jean-François Bay
Greensill Capital avait été créée en Angleterre en 2011 par Lex Greensill dans le but d’offrir aux PME un service d’affacturage jusqu’alors réservé aux grandes entreprises.

L’idée était d’effectuer classiquement à ces entreprises une avance de trésorerie sur factures le temps que les clients s’acquittent de leurs factures. Le projet avait également une dimension digitale afin de développer une plateforme technologique, une sorte de plateforme de « crowdlending ». Les créances ainsi générées par Greensill Capital étaient ensuite placées sous forme de titres vendus directement aux prêteurs institutionnels finaux ou indirectement dans des fonds d’investissement gérés par des sociétés de gestion comme Credit Suisse Asset Management ou GAM.

Mais la semaine dernière, Greensill Capital a déposé le bilan, mettant en difficulté un vaste réseau mondial d’emprunteurs – principalement basés aux Etats-Unis – ainsi que ses prêteurs institutionnels (SoftBank, l’assureur japonais Tokio Marine, de nombreuses collectivités territoriales européennes…) et plusieurs fonds d’investissement (gérés par Credit Suisse AM, GAM…).

En effet, des fonds d’investissement avaient également été lancés afin que ces prêts soient disponibles au plus grand nombre. Ainsi, plusieurs fonds gérés par Credit Suisse AM auraient investi dans les prêts de Greensill Capital et auraient perdu environ 10 milliards de dollars.

L’examen par le Wall Street Journal de documents internes de Greensill Capital montre qu’un grand nombre de prêts de l’entreprise concernaient en fait un petit cercle d’emprunteurs proches de son fondateur, ainsi que des connaissances et les principaux bailleurs extérieurs de M. Greensill. Dans certains cas, ces prêts auraient été renommés avant d’être vendus aux fonds d’investissement.

Greensill Capital s’est donc écarté de son activité initiale, ce qui a mis à risque une police d’assurance essentielle à la survie de son activité. Expirant en mars 2021, cette expiration a entraîné la chute de l’entreprise.

Selon le journal l’Opinion, les autorités réglementaires allemandes ont pris en charge le contrôle de la banque allemande de Greensill Capital et transmis une plainte au parquet. Dans une déclaration écrite, elles ont indiqué « qu’un audit spécifique avait mis au jour des pratiques comptables douteuses concernant le plus important client de M. Greensill, le magnat britannique de l’acier Sanjeev Gupta ».

La procédure de faillite a ensuite été lancée la semaine dernière au Royaume-Uni. Un accord prévoyant que Apollo Global Management reprenne l’activité de base de Greensill Capital a été bloqué. Se présentant comme un leader des technologies financières, Greensill s’était en fait appuyé sur la plateforme d’une tierce partie.

Credit Suisse Asset Management a communiqué le 16 mars en déclarant : « En ce qui concerne la suspension et la liquidation des 4 fonds Supply Chain Finance (avec une valeur nette d’inventaire agrégée d’environ 10 milliards USD telle que publiée à fin février 2021) gérés par Credit Suisse Asset Management (CSAM), dont l’origination et la structuration des actifs avaient été assurées par Greensill Capital, la priorité du Credit Suisse reste de récupérer les fonds pour les investisseurs de CSAM. CSAM collabore étroitement avec les administrateurs de Greensill Capital, Grant Thornton, ainsi qu’avec d’autres parties afin de faciliter ce processus…. Bien que cette affaire n'en soit encore qu'à ses débuts, nous tenons à souligner qu'il est possible que le Credit Suisse doive supporter une charge à ce titre ».

Par ailleurs, trois cadres dirigeants qui supervisaient les fonds de Greensill, dont le responsable de la région EMEA, ont quitté la société. Aussi, Credit Suisse a annoncé une vaste restructuration de sa division de gestion d'actifs, dont plusieurs fonds avaient financé Greensill. La division sera dirigée par Ulrich Körner, un ancien cadre de la banque passé ensuite chez sa concurrente UBS. Et les activités de gestion d'actifs seront scindées de la gestion internationale de fortune pour former une nouvelle division.

Suite à cette suspension puis liquidation des fonds, plusieurs investisseurs institutionnels auraient menacé d'engager des poursuites à l'encontre de Credit Suisse. Difficile à ce stade de mesurer les dégâts et d’identifier les fonds de fonds qui auraient investis dans ces 4 fonds obligataires réservés aux professionnels (3 fonds Luxembourgeois, 1 fonds au Liechstenstein) et seraient, par ricochet, touchés :

  • Credit Suisse Supply Chain Finance Fund
  • Credit Suisse Nova Supply Chain Finance High Incom Fund
  • Credit Suisse Nova Supply Chain Finance Investment Grade Fund
  • Credit Suisse Supply Chain Finance Investment Grade



 

Les investisseurs finaux seraient principalement des investisseurs institutionnels et des family offices (au Luxembourg, aux Pays-Bas…) ou quelques fonds de fonds internes pour leurs besoins de trésorerie. Selon le Credit Suisse, la société de gestion a déjà commencé à rembourser les investisseurs des fonds.

Exemple de reporting à fin janvier 2021 (attention, ces fonds étaient réservés aux investisseurs professionnels) :


 

Communiqué de presse de Credit Suisse : https://www.credit-suisse.com/about-us-news/fr/articles/media-releases/trading-update-202103.html

De son côté, SoftBank, qui avait investi près de 2 milliards de dollars dans Greensill Capital, dont 400 millions à la fin de l’année dernière, compte déprécier l’intégralité de son investissement, a indiqué le Wall Street Journal.

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.