Le coin des gourous : Bill Gross

Publié le 20/11/2009 - Philippe Maupas
Le cash ne rapportant rien, Bill Gross suggère d'investir dans les actions du secteur Services aux Collectivités

S'il n'a pas la renommée planétaire de Warren Buffett, Bill Gross, de PIMCO, n'en fait pas moins partie des voix qui comptent dans le monde de l'investissement. PIMCO est une des plus importantes sociétés de gestion spécialisées dans l'obligataire au monde. Créée en 1971 aux Etats-Unis, PIMCO a été acquise en 2000 par Allianz, mais a conservé son identité et son autonomie de gestion. Au 30 septembre 2009, la société gérait 940 milliards de dollars (contre 712 au 31/12/2008).

Bill Gross gère le PIMCO Total Return Fund, le plus gros fonds obligataire au monde avec un encours supérieur à 190 milliards de dollars au 19/11/2009 (c'est aussi, accessoirement, le plus gros fonds au monde). Autant dire que sa voix porte loin et que sa lettre mensuelle retient l'attention.

Un rendement nul pour le cash pendant encore quelque temps

Dans sa lettre de décembre 2009, Gross se demande où placer son argent quand le cash ne rapporte presque plus rien. Il constate que des milliards de dollars sortent des fonds monétaires pour aller s'investir sur différentes classes d'actifs dont l'évolution récente lui fait craindre la formation de nouvelles bulles : il cite l'or, dont l'once vaut plus de 1100 dollars, les marchés actions ayant rebondi de 60% depuis leurs plus bas, un dollar ayant perdu 15% de sa valeur depuis 12 mois par rapport à un panier de devises globales, des taux d'intérêt hypothécaires à 4%, grâce à la générosité à 1000 milliards de dollars de la Réserve Fédérale et le pétrole à 80 dollars le baril.

Il lui semble légitime de se demander si les taux monétaires à 0 créent la prochaine bulle et, si c'est bien le cas, quand les banques centrales vont remonter les taux pour dégonfler la bulle, même face à un niveau de chômage très élevé.

Gross ne se fait pas d'illusion : le risque de bulles ne pèse rien face aux 15 millions d'américains au chômage et aux 25 millions travaillant à temps partiel, et il faudra quelques trimestres de reprise à l'économie américaine avant que le Fed ne siffle la fin des taux bas. Et Gross de rappeler que la Fed est en train de reflater l'économie, et qu'une partie de l'exercice consiste à maintenir les taux courts à un niveau tellement bas que les investisseurs sont forcés de sortir du cash pour investir sur des actifs plus risqués, obligations ou actions.

Où investir quand le cash ne rapporte rien ?

Faut-il investir en obligations qualité d'investissement, qui rapportent, après frais, 3% par an ? Ou en obligations haut rendement, certes plus rémunératrices (8% par an), mais qui exposent l'investisseur à un risque de perte en capital partiel ou total en cas de défaut de l'émetteur ? Ou en actions, dont le rendement du dividende, après une reprise de 65% depuis les plus bas, est de 2% et qui, d'après Gross, sont maintenant à des niveaux de valorisation supérieurs à la moyenne de long terme des ratios Cours/Bénéfices ajustés sur un cycle économique ?

Gross rappelle que PIMCO considère que l'après-crise ne sera pas comme avant, et qu'une nouvelle normalité nous attend ("New normal"), faite de rendements inférieurs à ce qu'ils étaient auparavant (voir ici une synthèse de cette analyse). Une croissance moindre, une réduction de l'endettement des entreprises et des ménages et une intervention plus grande des gouvernements diminueront les profits et leur redistribution aux investisseurs sous la forme de dividendes et de coupons.

Gross prédit que les banques et l'industrie automobile, les 2 secteurs ayant le plus bénéficié du soutien du gouvernement américain, seront de plus en plus régulés, que leur comportement s'alignera sur celui des sociétés de service aux collectivités (Utilities), et donc qu'elles seront moins rentables pour leurs actionnaires.

Dans un secteur régulé et sans surprise

Et Gross de suggérer d'investir dans le secteur du service aux collectivités, qui ne présente pas les risques de transition des secteurs financier et automobile. En termes de cours, le secteur est à mi-chemin entre le plus haut de 2007 et le plus bas de 2008. Sa croissance bénéficiaire, comme par le passé, devrait être similaire à celle de l'économie américaine et le rendement du dividende est de 5/6%.

Dans un environnement de faible croissance, Gross estime que le rendement du dividende pour une société doit être supérieur au taux d'intérêt qu'elle sert sur ces obligations, ce qui est précisément le cas pour les sociétés du secteur des services aux collectivités.

Pour mémoire, le secteur regroupe des producteurs/distributeurs d'électricité ou de gaz, des distributeurs d'eau, des opérateurs d'infrastructures de transport (ports, aéroports, autoroutes). Ces sociétés sont liées à leurs clients par des engagements de très long terme, ont une forte capacité d'auto-financement et distribuent une partie importante de leurs bénéfices à leurs actionnaires sous forme de dividendes.

Les fonds sectoriels Services aux collectivités sont accessibles ici. Nous rappelons que les fonds sectoriels sont structurellement moins diversifiés que des fonds actions sans biais sectoriel, ce qui peut conduire à une plus forte volatilité.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.