La décennie du fonds en euro

Publié le 22/12/2009 - Philippe Maupas
Le fonds en euro, ça eût payé, mais pour combien de temps encore ?

Les fins d'année sont propices à l'exercice un peu vain de la recherche des meilleurs placements : livrons-nous donc à cet exercice obligé, avec un produit honorablement connu, le fonds en euro des contrats d'assurance vie.

Ce dernier produit concerne la bagatelle de 13 millions de Français, c'est dire s'il est répandu. Selon les statistiques de la FFSA (Fédération Française des Sociétés d'Assurance), les encours de l'assurance vie s'élèvent à fin octobre 2009 à 1232 milliards d'euros, la part des fonds en euro étant supérieure à 1000 milliards d'euros. Le solde est investi en unités de compte, qui sont généralement des fonds classiques (SICAV ou FCP) exposés aux risques du marché.

La décennie du fonds en euro ?

La vedette des 10 dernières années, c'est lui. Bien sûr, il aurait été possible de faire mieux en investissant sur les marchés émergents : bien malin celui qui, il y a 10 ans, aurait dit que la Chine, la Russie ou le Brésil feraient mieux que les actions France, Europe ou Etats-Unis.

Quantalys référence dans sa base de données de nombreux fonds en euro. Nous avons créé un fonds en euro fictif, le fonds en euro générique Quantalys, dont les performances historiques représentent la moyenne des performances de tous les fonds en euro réels référencés. C'est donc une approximation assez réaliste du comportement passé des fonds en euro.

Sur une période de 10 ans allant du 17 décembre 1999 au 18 décembre 2009, le fonds en euro générique Quantalys a réalisé une performance cumulée de 57,71%, soit une performance annualisée de 4,66%.

La comparaison avec la moyenne de la catégorie Quantalys Actions France est cruelle : -15,12%, soit une performance annualisée de -1,62%. Nous venons bien de vivre une décennie perdue pour les actions (la performance de la catégorie Actions Zone Euro est très proche, à -15,65% en cumulé, et celle de la catégorie Actions Monde est encore plus mauvaise, à -26,91% en cumulé).

Les autres grands vainqueurs de la décennie, ce sont les pays émergents. La comparaison de la performance du fonds en euro générique Quantalys avec celle de la moyenne de la catégorie Actions Pays Emergents Monde, la plus diversifiée des catégories Actions Pays Emergents, tourne certes à l'avantage des émergents, mais au prix d'une volatilité élevée, qui ne convient pas nécessairement à tous les investisseurs : +77,71% en cumulé (20% de mieux que le fonds en euro générique Quantalys), soit 5,88% en annualisé, pour une volatilité de 21,41%.

La baisse programmée des rendements des fonds en euro

Les assureurs le clament urbi et orbi depuis maintenant 2 ans : les rendements servis sur les fonds en euro vont continuer à baisser inexorablement.

Pourquoi ? Parce que le taux de rémunération des obligations d'Etat, qui constituent la majeure partie des portefeuilles des fonds en euro, baisse lui-même inexorablement. Au fur et à mesure que les obligations anciennes, émises à un taux plus élevé, arrivent à échéance, elles sont remplacées par des obligations moins rémunératrices et pèsent sur le rendement total du portefeuille. Les rendements à 10 ans des obligations des Etats français ou allemand sont aujourd'hui très inférieurs à 3,6% (environ 3,40% pour l'OAT 10 ans française et 3,13% pour le Bund allemand). Et même si les obligations émises par les entreprises ont été beaucoup plus rémunératrices en 2009, leur part relative reste limitée et leur impact faible.

La saison de la publication des rendements 2009 va débuter début janvier 2010, et la majorité des rendements devraient avoir du mal à dépasser 4%. Comme la plupart des contrats n'ont par ailleurs plus beaucoup de plus-values latentes sur leurs investissements en actions, la part de réserves pouvant venir bonifier le rendement du fonds en euro est faible.

Depuis 2007, nous attendions un rendement moyen de 3,8% par an sur le fonds en euro. Nous allons revoir cette hypothèse début 2010 pour diminuer ce taux et le positionner dans une fourchette allant de 3,2 à 3,4%, le chiffre définitif n'étant pas encore arrêté.

Que faire des fonds en euro ?

Le fonds en euro conserve son atout principal, qui est de fournir un rendement positif et de garantir le niveau atteint précédemment par l'effet de cliquet.

L'investisseur ayant une aversion totale au risque ne trouvera pas d'alternative à ce produit dans son contrat d'assurance vie. Il faudra donc qu'il s'habitue à des rendements nominaux inférieurs à ceux qu'il a connus, reflet des taux d'intérêt très bas que nous connaissons actuellement.

Le risque principal serait une reprise inattendue de l'inflation, qui pourrait conduire certains fonds en euro à enregistrer des performances certes positives mais inférieures à l'inflation, situation que nous avons connue dans les années 1970.

Pour des horizons d'investissement suffisamment longs, la performance attendue sur les actifs à risque reste très supérieure à celle attendue sur le fonds en euro, mais au prix d'un risque également très supérieur. Les années 2007 et 2008 nous ont appris que les marchés actions pouvaient perdre jusqu'à 40% par an, à chaque investisseur de déterminer s'il accepte un tel risque avant de choisir une allocation d'actifs.

En matière de fonds en euro, comme en matière de fonds classiques, les différences existent, et il ne faut pas hésiter à examiner l'historique des rendements passés (un fonds en euro ayant distribué moins de 3,5% en 2008 mérite un examen approfondi), la composition du portefeuille quand on peut y accéder, le taux de distribution des bénéfices (il ne peut être inférieur à 85%, et, toutes choses égales par ailleurs, plus il est élevé, meilleur c'est pour l'assuré), les frais de gestion (au-delà de 0,8%, c'est cher). Et s'il apparaît que le fonds en euro de votre contrat est durablement sous-performant, ne pas hésiter à changer de contrat, dès lors que vous pouvez sortir du contrat actuel sans pénalités fiscales.

Vous pouvez comparer les fonds en euro de la base Quantalys en cliquant ici ; et les contrats d'assurance vie en cliquant .

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.