Investir dans un monde incertain

Publié le 01/04/2011 - Philippe Maupas
Qui veut du rendement devra s'exposer à des actifs financiers risqués

Le krach de 1987 était un événement qui avait une probabilité très faible de se produire, si l'on en croyait les analyses statistiques faites sur longue durée sur les marchés actions américains, et pourtant il s'est produit. Même commentaire pour l'explosion de la bulle internet au début des années 2000 et pour la crise du crédit qui a débuté à l'été 2007 et a atteint son paroxysme un an plus tard avec la faillite de Lehman Brothers.

Depuis mars 2009, les investisseurs pensaient avoir le droit de retrouver des marchés moins tourmentés : hélas, crise de la dette des Etats européens périphériques en 2010, révolutions dans le monde arabe à partir de la fin de 2010 et en mars 2011, l'imprévisible absolu, la combinaison d'un séisme majeur et d'un tsunami qui ne l'est pas moins au Japon.

Est-ce à dire que nous vivons dorénavant dans un monde dans lequel il va falloir s'habituer au cygne noir si bien théorisé par Nassim Nicholas Taleb* ? Rappelons qu'un cygne noir est un événement rare, ayant un impact très important et dont nous essayons de justifier l'occurrence rétrospectivement afin de le rendre prévisible.

Tous les événements mentionnés ci-dessus ne sont pas des cygnes noirs, mais force est de constater qu'ils exercent une influence très importante (et très négative) sur les marchés actions.

En outre, la succession apparemment de plus en plus rapprochée d'événements statistiquement improbables dissuade de nombreux investisseurs de s'exposer aux actifs financiers à risque.

Et pourtant, et notamment dans les pays dits "développés" confrontés au double défi du vieillissement de leur population et de la concurrence économique de plus en plus féroce des pays dits "émergents", il nous semble essentiel d'investir sur des actifs rémunérateurs pour ne pas de trouver fort dépourvu quand la retraite viendra : même si cette échéance est régulièrement repoussée par les Etats en raison des déséquilibres des régimes publics de retraite - déséquilibres qui ne pourront qu'aller de mal en pis - il convient de prévoir un complément de revenus après la cessation d'activité professionnelle pour ne pas faire face à une baisse considérable du niveau de vie : comment se constituer ce complément de revenus en protégeant le capital investi de l'inflation ?

Le fonds en euro des contrats d'assurance vie

Pour les investisseurs ayant une forte aversion au risque, le fonds en euro a été le placement miracle des 30 dernières années, grâce au carburant des baisses de taux d'intérêt depuis le début des années 1980.

Malheureusement, cette période bénie, caractérisée par certains économistes de "grande modération", touche à sa fin : les taux d'intérêt sont à un niveau historiquement et anormalement bas, sous l'effet des politiques non conventionnelles des banques centrales, et notamment de la première d'entre elles, la Réserve Fédérale américaine.

L'assouplissement quantitatif (voir ici l'analyse acide du gérant américain Bill Gross) touchera un jour à sa fin et les taux d'intérêt repartiront à la hausse dans le monde entier. La Banque Centrale Européenne a préparé les investisseurs à une hausse prochaine de ses taux directeurs, en raison de l'accélération de l'inflation dans le vieux continent.

En outre, la Chine, qui a exporté de la déflation dans le monde entier depuis bientôt trois décennies en devenant l'atelier à bas prix du monde dit développé, devient un exportateur d'inflation, sa population voulant légitimement voir son niveau de vie augmenter.

La coïncidence entre taux d'intérêt toujours bas et reprise de l'inflation risque de porter un sérieux coup à la performance nette d'inflation des fonds en euro en 2011 : nous ne le saurons qu'au début de 2012, mais il convient d'ores et déjà d'intégrer le fait que le fonds en euro a mangé son pain blanc et qu'il aura du mal à faire significativement mieux que l'inflation dans les années à venir (voir ici notre analyse à ce sujet et ici notre analyse des rendements 2010 des fonds en euro.

Les fonds flexibles

Rappelons la définition des fonds flexibles pour Quantalys : ce sont des fonds "exposés à des produits de taux et à des actions du monde entier, dans des proportions pouvant varier considérablement (parfois de 0 à 100%) selon les anticipations de l'équipe de gestion. Quand celle-ci est positive sur les marchés d'actions, la poche actions peut représenter jusqu'à 100% du portefeuille pour bénéficier à plein de la hausse, quand elle est négative sur les marchés d'actions, la poche taux peut représenter jusqu'à 100% du portefeuille pour protéger celui-ci de la baisse attendue des marchés actions. Certains fonds de cette catégorie peuvent avoir une limite haute pour la poche actions inférieure à 100%."

En d'autres termes, en investissant dans un fonds flexible, on se décharge de l'allocation d'actifs sur le gérant, en lui faisant confiance pour lire correctement la conjoncture économique et protéger le capital qui lui est confié.

Dans un environnement où l'aversion au risque est très élevée chez les investisseurs, notamment privés, en raison des baisses statistiquement improbables mais répétées des marchés actions depuis des années, les fonds flexibles constituent une approche de choix pour obtenir un surcroît de rémunération par rapport au fonds en euro sans encourir les risques d'un investissement à 100% en actions.

Attention, tous les fonds flexibles ne sont pas égaux et il convient de les analyser avant d'investir, comme pour tout produit financier. Quantalys distingue 2 catégories : les fonds d'allocation d'actifs Europe flexible, investissant leur poche actions en Europe, et les fonds d'allocation d'actifs Monde flexible, pouvant investir leur poche actions dans le monde entier.

La promesse implicite ou explicite d'un fonds flexible est de faire participer l'investisseur à une partir de la hausse des marchés actions et d'éviter la plus grosse partie de la baisse de ces mêmes marchés.

Comment savoir si la promesse est tenue ? En analysant le comportement du fonds en marchés haussiers et baissiers. Dans Quantalys, il suffit pour cela d'aller à l'onglet Historique de la fiche du fonds et de choisir la date de début et la date de fin de la période d'affichage de la performance. En ajoutant au graphique un indice actions (le CAC 40, le Stoxx 50 ou le S&P 500), il est aisé de voir si le fonds a fait mieux ou moins bien que l'indice : le comportement attendu d'un fonds flexible est de faire moins bien qu'un indice actions en période de hausse, et nettement moins mal en période de baisse. Si votre fonds baisse presque autant ou plus que l'indice actions, nous vous incitons à vous tenir à l'écart.

Une autre méthode consiste à analyser le beta haussier et le beta baissier du fonds. Le beta mesure la réactivité du fonds par rapport à l'indice de sa catégorie, auquel on affecte par convention un beta de 1. Ainsi, un fonds ayant un beta haussier de 1,2 sera 20% plus réactif que l'indice de sa catégorie et montera plus que celui-ci ; un fonds ayant un beta baissier de 0,8 sera 20% moins réactif que l'indice de sa catégorie et baissera moins que celui-ci. Un beta baissier supérieur à 1 pour un fonds flexible devra vous inciter à la plus grande réserve : le fonds flexible doit vous protéger en période de baisse et donc moins baisser que son indice de référence.

Pour nos 2 catégories flexibles, nous utilisons un indice composite (50% d'un indice actions Europe ou Monde selon la catégorie et 50% d'un indice obligataire).

Vous trouverez ici les fonds flexibles ayant au moins 4 étoiles Quantalys au 28 février 2011 ayant un beta baissier 3 ans inférieur à 0,50. Notre moteur de recherche avancée vous permet de saisir les valeurs de votre choix, tant pour le beta haussier que pour le baissier, sur différentes périodes.

Construire une allocation d'actifs diversifiée

Nous restons convaincus qu'en dépit des soubresauts violents que connaissent les marchés actions, cette dernière classe d'actifs offre toujours sur le long terme les perspectives de rendement les plus élevées. Il convient bien entendu de respecter la règle cardinale en matière de construction de portefeuille, celle de la diversification.

Les briques de base de toute allocation actions sont constituées par les grands marchés dits développés : Amérique du Nord, Asie (Japon compris, ce pays reste la troisième économie mondiale et une source d'innovations technologiques majeures), Europe ; et par les pays dits émergents, dans une proportion croissante.

Pour diminuer la volatilité d'un portefeuille 100% actions, il est possible d'introduire des actifs moins risqués : le fonds en euro, dans une proportion qui dépend de l'aversion au risque de l'investisseur. Nous en attendons un rendement net dans les années à venir de 3,3%, mais rappelons que les prélèvements sociaux seront dorénavant dûs chaque année et viendront immédiatement amputer ce rendement (le taux actuel est de 12,3%, mais il a une fâcheuse tendance à augmenter régulièrement), qui sera de 2,89% nets. Et si l'inflation poursuit sur la tendance actuelle de 2,6% par an (dernières statistiques européennes), il ne reste presque rien : ce presque rien est le prix de la sécurité, et il pourrait le cas échéant devenir négatif pour les fonds en euro les plus anciens et les plus gros.

Autre actif théoriquement moins risqué : les fonds flexibles. Les flexibles défensifs (que vous pouvez sélectionner par le beta haussier) ont des volatilités généralement inférieures à 10% et des corrélations assez faibles avec les principaux indices actions : ils jouent donc parfaitement leur rôle d'amortisseur dans les baisses des marchés actions.

Les outils Quantalys d'aide à la construction de portefeuille (Optimiseur et EasyPortfolio) disponibles pour les particuliers dans Quantalys Premium, pour les professionnels de la gestion de patrimoine dans Quantalys Pro et pour les professionnels de la sélection de fonds dans Quantalys Pro+ vous guident dans le processus d'assemblage des fonds entre eux en fonction de votre tolérance au risque.

* Le Cygne noir, Nassim Nicholas Taleb, Les Belles Lettres

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.