De l'utilité des ratios de Sharpe et d'information

Publié le 19/07/2011 - Philippe Maupas
Ratio de Sharpe, ratio d'information : mieux les comprendre pour bien les utiliser

Dans un article récent en anglais publié par le CFA Institute, Deborah Kidd, CFA, revient sur deux ratios usuels de mesure de la performance corrigée du risque, les ratios de Sharpe et d'information.

Ces ratios sont communément utilisés par les investisseurs, mais leur simplicité n'est qu'apparente et il convient de bien les comprendre pour les utiliser à bon escient.

William Sharpe a introduit le ratio qui porte son nom en 1966, et Kidd considère le ratio de Sharpe comme comme révolution dans la mesure de performance, puisque pour la première fois le risque était pris en compte pour évaluer la performance.

Le ratio de Sharpe

Ce ratio a été conçu par William Sharpe comme une mesure ex ante, une prévision de la rémunération attendue d'un actif à risque par rapport à un actif sans risque. Au numérateur du ratio, la performance attendue pour l'actif risqué moins celle attendue pour l'actif sans risque, au dénominateur, la volatilité attendue pour l'actif risqué (moins celle attendue pour l'actif sans risque, fixée par convention et par construction à zéro) : le résultat indique le rendement excédentaire attendu par unité de risque pris.

Au fil des ans, les praticiens ont utilisé le ratio de Sharpe comme outil de mesure ex post, et plus seulement comme un outil de prévision. Au lieu d'utiliser des prévisions de rendement et de volatilité, il suffit d'utiliser la performance et la volatilité réelles sur la période analysée.

Une des limites du ratio de Sharpe est qu'il ne tient compte que du rendement et du risque (mesuré par la volatilité des rendements) pour décrire un actif financier, conformément au cadre conceptuel introduit par Harry Markowitz. N'utilisant que l'écart-type des rendements (mesurant la volatilité) comme mesure de risque de l'actif, ce ratio n'est utile que pour les actifs dont la distribution des rendements suit une loi normale : dès que la distribution des rendements n'est pas symétrique (ce qui est très fréquent), ce ratio est inopérant.

Même dans le cas d'un actif ayant une distribution des rendements symétrique, le ratio de Sharpe n'indique pas si une forte volatilité est due à de forts écarts à la hausse ou à la baisse. Enfin, les ratios de Sharpe négatifs (obtenus sur les périodes durant lesquelles le rendement de l'actif est inférieur au taux sans risque) ne peuvent servir à comparer les fonds.

Enfin, on notera que la fréquence des observations modifie le ratio de Sharpe : plus la fréquence d'observation est élevée, plus la volatilité est élevée. La volatilité de rendements quotidiens est plus élevée que celle de rendements hebdomadaires, ell-même plus élevée que celle de rendements mensuels.

Le ratio d'information

Cette variante du ratio de Sharpe a vu le jour quand les investisseurs ont choisi de comparer leur actif à un actif indiciel plutôt qu'au taux sans risque, pour mieux évaluer la qualité de la gestion active. Le ratio d'information indique le rendement excédentaire obtenu pour l'actif étudié par rapport à un indice de référence par unité de risque excédentaire par rapport à celui du même indice de référence.

Là où le ratio de Sharpe ne fait aucune référence à un actif externe à l'exception de l'actif sans risque, le ratio d'information se calcule par rapport à un indice de référence ayant dans la quasi totalité des cas une volatilité.

On trouve au numérateur du ratio d'information la différence (rendement de l'actif étudié moins rendement de l'indice de référence) et au dénominateur l'écart-type de la différence de rendement entre l'actif de référence et l'indice de référence. Le numérateur est également qualifié de "rendement actif" et le dénominateur de "risque actif", ou encore d'écart de suivi (ou tracking error en anglais).

Le ratio d'information souffre des mêmes limites que le ratio de Sharpe : il ne s'applique qu'aux actifs dont la distribution des rendements attendus ou réels suit une loi normale.

Le ratio d'information sert à mesurer si un gérant a surperformé son indice de référence en ajustant du risque pris mais ne donne aucune information sur la façon dont cette surperformance a été obtenue : chance ou talent ? Succession de nombreux paris à faible gain ou gain très important obtenu sur une seule décision d'investissement ?

La période d'analyse influe sur le ratio d'information, et l'investisseur doit analyser cette période pour savoir si un style dominait (value ou growth) ou si certains segments de capitalisations dominaient d'autres segments.

Par ailleurs, l'indice de référence choisi pour le calcul influe également sur le ratio d'information.

Du bon usage des deux ratios

Le ratio de Sharpe et le ratio d'information sont instructifs pour évaluer la performance d'actifs dont la distribution des rendements suit une loi à peu près normale. Ils sont inopérants pour les actifs asymétriques, comme par exemple les fonds de gestion alternative, voire leur version grand public rendue possible par le cadre réglementaire UCITS III, les fonds de performance absolue.

Le ratio de Sharpe permet de connaître la rémunération obtenue par l'investisseur ayant choisi un actif risqué plutôt qu'un actif sans risque. L'indice de référence choisi pour ce ratio est donc le même pour tous les actifs : le taux sans risque.

Le ratio d'information permet de connaître la rémunération obtenue par le gérant en s'écartant de l'indice de référence utilisé pour calculer ce ratio : il sert donc à mesurer un gérant actif par rapport à une référence passive (un indice de référence).

Le ratio d'information est une mesure absolue de la qualité d'un gérant, il est plus riche d'enseignements que le ratio de Sharpe, qui est une mesure relative, mais aussi plus délicat à interpréter.

Deborah Kidd rappelle une règle simple pour utiliser ces deux ratios : en territoire positif, plus le ratio est élevé, meilleur l'actif a été évalué. Entre plusieurs actifs, on préfèrera celui ayant le ratio de Sharpe positif le plus élevé. Pour le ratio d'information, l'interprétation est plus délicate : un ratio d'information supérieur à 0,5 est considéré comme très bon.

Où retrouver les deux ratios dans Quantalys ?

Pour tous les fonds de la base de données, nous calculons les ratios de Sharpe et d'information tous les mois sur un, trois, cinq et huit ans. Ces ratios sont accessibles dans l'onglet Historique des fiches fonds. L'indice de référence utilisé dépend de la catégorie du fonds, vous en retrouverez le nom dans la note de pied de page de cet onglet Historique.

Le moteur de recherche avancée permet de rechercher en fonction du ratio de Sharpe et/ou du ratio d'information sur les quatre périodes de calcul mentionnés ci-dessus en saisissant les valeurs vous-même.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.