Où acheter les fonds ? La banque de réseau

Publié le 27/02/2007 - Philippe Maupas
L’intermédiaire le plus naturel pour investir en fonds est aujourd’hui la banque de réseau pour une majorité des Français.

Il existe en France neuf réseaux bancaires nationaux s'adressant tant à la clientèle particulière qu'aux entreprises, captant une part très élevée des flux d'épargne des particuliers, et les orientant en priorité vers les produits financiers, notamment de gestion collective, gérés par la société de gestion maison : Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale, LCL, Crédit Mutuel, CIC, Caisses d'Epargne, Banques Populaires et La Banque Postale. Une majorité de Français investit aujourd'hui en fonds depuis un compte-titres, un PEA ou un contrat d'assurance vie ouvert ou souscrit auprès de leur banque : en utilisant cette dernière, les investisseurs peuvent passer à côté de nombreux produits de grande qualité qui leur permettraient de construire des portefeuilles mieux diversifiés et plus efficients.

Les fonds maison avant tout

Les grandes banques de réseau en France commercialisent en priorité les fonds gérés par la société de gestion du groupe auquel elles appartiennent : les clients des caisses du Crédit Agricole ont accès à certains des fonds gérés par Crédit Agricole Asset Management, les clients de la Société Générale à certains des fonds gérés par la SGAM (Société Générale Asset Management), etc.

Plusieurs raisons à cette absence d'ouverture : tout d'abord, une meilleure connaissance des produits maison, due à la proximité entre la banque et la société de gestion ; ensuite la volonté de conserver la totalité des frais de transaction et de gestion payés par l'investisseur dans le groupe (là où la distribution de fonds externes impliquerait de partager les frais payés par l'investisseur avec la société de gestion externe et diminueraient par conséquent le bénéfice du groupe). Autres raisons : les sociétés de gestion filiales de grands groupes bancaires en France sont d'un beau niveau et fournissent à leur réseau bancaire des produits de qualité correcte et à risque contrôlé, n'incitant pas les réseaux de distribution à aller chercher ailleurs ; la majorité des clients particuliers des banques de réseau en France ne demandent pas de fonds externes, par manque de culture financière dans la plupart des cas.

Résultat, les grandes banques de réseau en France n'encouragent pas leurs clients à investir dans des fonds gérés par des sociétés de gestion externes : si elles ne peuvent l'interdire (elles ont même l'obligation d'honorer toute demande de souscription dès lors que le fonds demandé est agréé à la distribution en France et dispose d'un code ISIN), elles les en dissuadent en appliquant des frais supplémentaires forfaitaires, qui renchérissent le coût pour l'investisseur.

Ainsi, en plus des droits de souscription maximum du fonds, la Société Générale facture 35.88 euros forfaitaires pour toute souscription à un OPCVM externe (au 1er novembre 2006), le Crédit Lyonnais 20 euros (à compter du 1er janvier 2007), BNP Paribas 23,92 euros (au 1er novembre 2006), le Crédit Agricole d'Ile-de-France 25,40 euros (au 1er novembre 2006), la Caisse d'Epargne Paris Ile-de-France 31 euros (au 1er novembre 2006), ou encore La Banque Postale 28 euros (au 1er novembre 2006). De surcroît, alors que dans la plupart des banques de détail les OPCVM maison ne supportent pas de frais de garde, les OPCVM externes en supportent.

Un choix parfois insuffisant

Si vous désirez construire un portefeuille de fonds correctement diversifié, les gammes des fonds maison n'y suffisent pas toujours, notamment les fonds de droit français. Traditionnellement, les banques françaises tendent à mettre en avant des fonds actions investis sur le marché français et sur la zone euro depuis que les fonds investis sur cette zone sont éligibles au P.E.A. Les raisons ? Tout d'abord la proximité, votre chargé de clientèle maîtrisant mieux les valeurs du marché français et pouvant vous parler du CAC 40, et beaucoup moins les marchés internationaux, qu'ils soient européens, nord-américains ou asiatiques. Egalement les souvenirs parfois douloureux de l'époque de la bulle internet : à la fin des années 1990, dans l'euphorie des marchés d'actions et notamment des valeurs technologiques, de nombreux clients des banques ont été encouragés à investir en fonds actions alors que la hausse touchait à son terme et ont assisté à lé débâcle et aux 3 ans de baisse qui ont suivis de 2001 à 2003.

Les fonds proposés aux clients des banques de détail ne couvrent par ailleurs pas tous les styles de gestion actions et obligataire, ces lacunes ne permettant pas la construction de portefeuilles suffisamment diversifiés. Ainsi, il manque parfois des fonds investissant en actions japonaises ou en actions des marchés émergents, des fonds sectoriels, des fonds investissant en obligations à haut rendement. De nouveau, la commercialisation de tels fonds requière des compétences que n'ont pas forcément tous les chargés de clientèle et les réseaux s'abstiennent de les mettre en avant.

En résumé, si vous n'avez pas le bonheur d'être suivi par les conseillers en gestion privée (qui sont des spécialistes des produits d'investissement, contrairement à votre chargé de clientèle en agence qui est un généraliste), si vous recherchez à construire un portefeuille diversifié, composé des meilleurs fonds et pas seulement de fonds maison, il peut être préférable d'utiliser un autre intermédiaire que votre banque de détail.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.