Construire un portefeuille de fonds : les basiques

Publié le 23/02/2007 - Philippe Maupas
Ne choisissez plus des fonds, mais apprenez à construire un portefeuille en respectant certains principes essentiels

L'allocation d'actifs stratégique

Par allocation d'actifs stratégique, nous entendons la répartition en pourcentage au sein d'un portefeuille de chaque classe d'actifs individuelle. Les poids de chaque classe d'actifs sont des poids cibles et le portefeuille défini par l'allocation d'actifs stratégique est le portefeuille cible. Par définition, l'allocation d'actifs stratégique est une allocation de long terme.

Chaque classe d'actifs présente un risque systématique qui lui est propre et que l'on peut quantifier (notamment en termes de rendement et de risque attendus, le risque étant mesuré par la volatilité de la performance, à savoir l'écart-type des rendements de la classe d'actifs) et l'allocation d'actifs stratégique d'un investisseur est un acte conscient visant à s'exposer au risque systématique de différentes classes d'actifs.

L'allocation d'actifs stratégique (ci-après AAS) résulte du croisement des anticipations de long terme en matière de rendement et de risque pour les différentes classes d'actifs et des besoins de long terme de l'investisseur. L'allocation en elle-même est spécifiée en termes de pourcentages (par exemple 20% pour les fonds actions françaises, pouvant fluctuer entre 15 et 25%) et si les poids sortent de leur marge de fluctuation, le portefeuille doit être rebalancé (à savoir ramené aux pondérations de l'AAS en effectuant les transactions – achat et/ou vente – nécessaires pour chacune des classes d'actifs étant sorti de la plage qui lui était impartie).

Déterminer les objectifs de rendement et de risque

Ces objectifs sont propres à chaque investisseur et dépendent de plusieurs facteurs pouvant être combinés : l'horizon d'investissement (déterminé en répondant à la question : quand aurez-vous besoin de récupérer les sommes investies ?), la taille du portefeuille, les besoins de liquidités de long terme, etc. Dans la quasi-totalité des cas, l'investisseur souhaite a minima conserver son capital en termes réels (c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation : si l'inflation est de 2% par an, un capital de 100 devra valoir 102 après un an pour ne pas se dévaloriser en termes réels) et générer des revenus et/ou une appréciation supplémentaire de la valeur de son portefeuille.

Imaginons que l'investisseur exige un rendement annuel nominal (hors inflation) de 5% et que ses anticipations en matière d'inflation soient de 2% par an sur la durée de son investissement : son rendement annuel exigé est de (1,05 x 1,02) - 1 = 7.1%. On négligera ici l'impact de la fiscalité qui est réel. Sachez simplement que si l'investisseur exige un rendement net d'impôts de 7.1%, il faudra en tenir compte pour le calcul du rendement exigé.

Le calcul du rendement exigé est simple et correspond à une réalité facile à appréhender. Il n'en est pas de même pour celui du risque, qui est une abstraction plus délicate à manier. Le risque d'un portefeuille est traditionnellement mesuré par l'écart-type de ses rendements, qui mesure les variations de rendement sur différentes périodes. Plus les variations sont élevées, plus l'écart-type est élevé et plus le portefeuille est risqué. Ce qui ne veut pas dire que la valorisation du portefeuille baisse nécessairement, mais qu'elle évolue de façon heurtée. On parle également de volatilité du portefeuille, qui est le terme que nous utiliserons dorénavant. Instinctivement, imaginez que vous deviez liquider un portefeuille très volatil : la probabilité de devoir le faire dans des conditions défavorables est plus élevée que dans le cas d'un portefeuille moins volatil ayant la même espérance de rendement, dont l'évolution est moins heurtée.

Un investisseur privé ne choisit généralement pas une volatilité pour son portefeuille : il choisit plutôt un niveau de risque de pair avec une espérance de rendement, en fonction de son aversion au risque, comme nous le verrons plus loin.

Spécifier les classes d'actifs

L'objectif de l'allocation d'actifs est de construire des portefeuilles efficients, la diversification étant un moyen d'y parvenir. La définition des classes d'actifs est une étape essentielle car elles déterminent la diversification du portefeuille.

Les classes d'actifs doivent être décrites et caractérisées précisément et ne doivent pas être trop fortement corrélées entre elles. Si leur corrélation est trop élevée, il est possible qu'elles soient proches en termes de caractéristiques de rendement et de risque, ce qui réduit la diversification du portefeuille. Le coefficient de corrélation (un nombre compris entre -1 et +1) mesure le degré de liaison existant entre deux variables : si ces deux variables évoluent dans la même direction de façon identique, leur corrélation est positive et proche de 1. Si elles évoluent à l'inverse l'une de l'autre de façon identique, leur corrélation est négative et proche de -1. S'il n'existe aucune relation entre l'évolution de l'une et de l'autre, leur corrélation est nulle.

Les classes d'actifs retenues doivent recouvrir la majorité des actifs financiers disponibles. Si l'on exclut certaines classes d'actifs pour quelque raison que ce soit, la frontière efficiente (voir notre article sur la frontière efficiente) qui en résulte est plus basse (à risque équivalent, l'espérance de rendement est moindre).

Les classes d'actifs doivent être discrètes, c'est-à-dire qu'un fonds ne doit pas pouvoir être catégorisés dans plusieurs classes d'actifs.

Enfin, les classes d'actifs retenues doivent contenir suffisamment d'actifs liquides (à savoir pouvant être vendus rapidement sans poser de problème de valorisation, contrairement à de l'immobilier physique par exemple).

Les classes d'actifs usuelles en zone euro sont les actions domestiques, les actions de la zone euro, les actions Etats-Unis, les obligations diversifiées en euro, les obligations haut rendement en euro, etc.

Les étapes de l'allocation d'actifs

La première étape est celle de la construction de portefeuille. Une fois que l'investisseur a déterminé ses exigences en matière de rendement et son profil de risque, il détermine la combinaison de classes d'actifs (l'allocation d'actifs) qui lui permet de répondre à ses différents objectifs et contraintes éventuelles.

La deuxième étape est le suivi de l'allocation d'actifs stratégique. Si des éléments nouveaux viennent modifier de façon significative les caractéristiques de risque systématique d'une ou de plusieurs des classes d'actifs de l'allocation stratégique, l'investisseur devra décider s'il doit modifier celle-ci. S'il décide de ne pas la modifier, il pourra le cas échéant prendre des décisions d'allocation tactiques de court terme. Dans tous les cas, il sera généralement amené à rebalancer son portefeuille initial, dans la mesure où les poids de chaque classe d'actifs évoluent de façon différenciée et que cette évolution peut faire sortir une ou plusieurs classes d'actifs de la plage déterminée par l'AAS.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.