Immobilier : Comment innover pour répondre aux enjeux futurs ?

Publié le 25/09/2023 - Jean-François Bay
Pour Xavier Lépine, président de l'IEIF, le marché de l’immobilier doit innover s’il veut répondre aux enjeux futurs.

Pour Xavier Lépine, président de l'IEIF, le marché de l’immobilier doit innover s’il veut répondre aux enjeux futurs. Selon lui, le marché immobilier semble être dans une impasse entre d’une part, le coût (principalement de l’acquisition) qui est devenu inabordable dans les zones tendues et d’autre part l’adaptation du parc pour faire face aux conséquences du changement climatique nécessite des investissements colossaux. Il n’y a toutefois aucune fatalité à être parmi les plus mauvais élèves des pays comparables.

En effet, des solutions existent. Mais les mettre en œuvre exige de changer de paradigme selon lui. Par exemple, en 2022, 23 % des volumes investis en immobilier ont été réalisés dans des actifs industriels et logistiques et les investissements en bureaux n’ont représenté que 50 % alors qu’ils atteignaient régulièrement 70 % il y a dix ans.  Explications

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  1. Le constat : Un marché immobilier très cher et confronté à la hausse des taux

Dans sa dernière tribune libre, Xavier Lépine commence par faire le contat que le marché immobilier français est très (trop ?) cher. En effet, en l’espace de deux générations, soit 40 ans, le prix du m2 de l’immobilier résidentiel par exemple a été multiplié par 10 dans les zones tendues alors que l’inflation générale des prix n’a été que de x 3,5 et celle du SMIC de x 4. Depuis 40 ans, le pouvoir d’achat des salaires n’a donc que faiblement progressé par rapport à l’inflation alors que le rendement du capital a été très important : la valeur des actions, indice MSCI global dividendes réinvestis, a été multipliée par 33, soit 10 fois plus que l’inflation. En France, en complément de la retraite par répartition, l’épargne a été très majoritairement investie dans le logement plutôt que dans le financement des entreprises, contribuant au fait que les entreprises du CAC40 sont aujourd’hui détenues à plus de 40 % par des capitaux étrangers.

Au total, on comprend bien qu’à partir du moment où l’inflation immobilière est très supérieure à celle des revenus (alors que l’usage est le même), le système, soutenu auparavant par la baisse des taux d’intérêt, ne fonctionne plus.

  1. Le manque d’anticipation des grandes mutations démographiques

Comment en sommes-nous arrivés là ? Des facteurs explicatifs sont à trouver tant dans la démographie et l’évolution des modes de vie. Par exemple, nous avons sous-estimé selon lui l’accélération de la métropolisation. Nous sommes passés de 5 millions d’habitants en banlieue parisienne en 1960 contre 10 millions aujourd’hui. Sans parler du vieillissement de la population.

Si l’on retrouve dans la plupart des pays, notamment occidentaux, des phénomènes similaires, force est de constater que les réponses – et les résultats – divergent dans leur nature et leur impact : la France fait ainsi partie des plus mauvais élèves en n’ayant pas assez anticipé ces changements et donc les investissements trop axés sur les bureaux et pas assez sur les infrastructures (logistiques, énergies renouvelables, routes, ponts, barrages, prisons, hôpitaux, écoles…).

La décentralisation des politiques immobilières (PLU et PC) n’incite pas les municipalités à autoriser la construction de ces infrastructures ; la provenance des recettes fiscales conduit les municipalités à considérer ces investissements comme un coût (de construction de logements, d’infrastructures, d’équipements, dépenses de services publics… ).

  1. L’urgence climatique et l’adaptation nécessaire du parc immobilier

Paradoxalement c’est quand, au milieu des années 1990 avec les accords de Kyoto, que les États ont déclaré que le climat était une priorité … qu’ils ont aussi collectivement décidé que (pour les pays de l’Union Européenne), le déficit budgétaire ne devait pas dépasser 3 % du PIB et la dette publique / PIB 60 %... autrement dit que les Etats seraient supplétifs et laisseraient au secteur privé la charge d’investir pour épargner la planète… ce qu’il n’a pas fait. D’où le besoin criant de financements pour à la fois construire de nouvelles infrastructures mais qui soient également durables et respectueuses de l’environnement.

Dans les 30 ans qui viennent, Paris aura le climat de Marseille… mais sans la mer ni le mistral, sans les tuiles mais avec le zinc et avec des espaces publics majoritairement minéraux. Sans travaux d’adaptation, dont l’ampleur est certes considérable, la réorganisation de nos territoires risque d’être majeure, avec des flux vers le Nord, vers les métropoles les plus adaptées, vers les infrastructures les plus recherchées (santé, commerces…).

Face à cet enjeu, l’impréparation domine. Bien sûr, des investissements importants sur la mitigation (la réduction des émissions de CO2) ont lieu depuis une dizaine d’années. C’est une étape essentielle du plan d’actions. Mais il fera quand même chaud : ne pas obliger un propriétaire à faire les travaux si son DPE n’est pas bon ne va pas rendre pour autant vivable son domicile ! Et au total, les investissements à réaliser ne sont pas à la hauteur des besoins.

Et malheureusement nous n’avons pas réalisé ces investissements lorsque les taux d’intérêts étaient quasiment à zéro et l’inflation nulle…

  1. Un rendement net d’inflation qui reste en faveur de l’immobilier

Dans les années qui viennent, l’Europe n’aura probablement pas d’autre choix que d’augmenter massivement ses déficits budgétaires pour réparer toutes les insuffisances d’investissements des décennies précédentes, que ce soit pour faire face aux conséquences du changement climatique, pour le secteur de la santé, pour les dépenses militaires, pour celles dans la formation afin de retrouver des gains de productivité dans une population vieillissante…

Et pour rendre supportable cet endettement, il y aura une inflation supérieure au taux d’intérêt fixes (taux d’intérêt réel négatif) accompagnée d’un soutien financier des populations les plus fragiles, avec à la clef une performance nette de l’inflation sans doute faible pour les rendements fixes (obligations) et plus élevée pour les rendements variables corrélés à l’inflation (loyers, dividendes, ressources naturelles forêts, terres agricoles…).

Il est donc aujourd’hui temps de repenser en profondeur aussi bien la production que le financement de l’immobilier. Des solutions existent, d’autres peuvent être inventées. Xavier Lépine en liste plusieurs :

  • Le Prêt Partiellement Perpétuel comme en Suède et Hollande : l’emprunteur payant l’intégralité des intérêts de l’emprunt et ne remboursant que la moitié du capital sur une durée de 20 ans. Le capital non remboursé est attaché au bien.
  • Le prêt avance mutation comme au Canada : un Prêt Avance Mutation (prêt viager hypothécaire) pour une fraction bien évidemment limitée de la valeur du bien. Les intérêts sont payés par l’emprunteur et le remboursement du capital emprunté se fait lors de la mutation.
  • La transformation de bureaux en logistique (e-commerce) ou en logements comme en Angleterre : ou comment gérer la vacance de millions de m2 de bureaux du fait du télétravail ?

 

  1. Un marché encore méconnu : La logistique

Le groupe Telamon vient justement de publier un livre blanc sur ce segment de marché méconnu et qui présente de nombreuses opportunités de diversification d’allocation pour des investisseurs très souvent concentrés sur l’immobilier parisien, bureaux ou résidentiel.

S’intéresser à la logistique, c’est évaluer l’essor du e-commerce, un catalyseur structurel. C’est mesurer la tension des valeurs de loyer, sous l’effet conjugué d’une forte demande et d’une raréfaction des superficies disponibles. C’est comprendre les spécificités fonctionnelles des différentes catégories d’entrepôts. C’est faire valoir l’ancrage de ces infrastructures dans le maillage territorial, au contact des exigences de nos élus, des besoins des acteurs locaux et des problématiques environnementales. Enfin, c’est considérer la particularité d’un actif immobilier pas comme les autres : en prise intime avec l’économie réelle en tant qu’outil de travail des utilisateurs.

Rien qu’en Île-de-France, on totalise plus de 1 430 zones d’activités économiques (ZAE) réparties sur plus de 32 000 hectares et représentant plus d’un million d’emplois. Ces ZAE abritent un ou plusieurs parcs d’activités de superficies variables, à partir de 2 500 m². Le bassin d’emploi, l’accessibilité des réseaux de transports et la proximité des clients finaux constituent les critères principaux d’implantation des entreprises.

C’est la raison pour laquelle la diversification du patrimoine est une priorité des investisseurs et cette tendance s’est accentuée depuis la crise sanitaire. Au sein des poches immobilières des portefeuilles, l’exposition aux actifs logistiques et parcs d’activités n’est plus du tout envisagée comme une position alternative ou marginale sur un sous-jacent de niche.

« La classe d’actifs est devenue incontournable en cœur de portefeuille ou en poche de diversification. Il faut dire que ses propriétés d’actifs d’infrastructure offrent un accès incomparable à des mégatendances structurantes pour l’économie réelle », constate Olivier Ayadi, responsable acquisition du fonds Nao Logistics.

Pour illustrer ce propos, 23 % des volumes investis en immobilier, en 2022, ont été réalisés dans des actifs industriels (17 % en actifs logistiques, 6 % en parcs d’activités). Les investissements en bureaux, traditionnellement dominants en France, n’ont représenté que 50 %, alors qu’ils atteignaient régulièrement 70 % au cours des années 2010.

En effet, les investisseurs achètent les perspectives de cette classe d’actifs à très long terme et la robustesse des fondamentaux qui la caractérise : notamment le déséquilibre offre-demande, comme l’illustre un taux de vacance très faible, soutenu par l’essor du e-commerce.

« L’économie réelle a basculé dans l’ère du numérique et le commerce en ligne en est sans doute l’expression la plus marquante. La demande traditionnelle reste par ailleurs dynamique, la grande distribution et la distribution spécialisée ont réinventé leur chaîne logistique. Les industriels souhaitent quant à eux augmenter leur stock de sécurité et relocaliser une partie de leur chaîne logistique depuis la crise du Covid », analyse Jean-Michel Frammery, directeur général développement logistique de Telamon. Telamon opère depuis près de 30 ans dans le développement de l’immobilier logistique et gère aujourd’hui 1,2 milliard d’euros d’actifs logistiques et parcs d’activités.

Pour télécharger le Livre Blanc publié par Telamon :

https://www.telamon-groupe.com/le-groupe/livre-blanc/?mtm_campaign=AGEFI&mtm_source=banniere

Pour en savoir plus :

https://www.ieif.fr/wp-content/uploads/etudes/IEIF-Tribune-libre-7-12-2022.pdf

 

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.