Good COP ou Bad COP ? La COP28 s'ouvre avec la naissance du fonds pour les pertes et dommages climatiques. Mais beaucoup reste à faire

Publié le 30/11/2023 - Jean-François Bay
La COP28 qui se tiendra aux Émirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre 2023 sera la 28e réunion de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (Conference of the Parties to the United Nations Framework Convention on Climate Change ou UNFCCC). Elle offre une opportunité majeure aux dirigeants mondiaux de discuter de leurs initiatives visant à faire le point sur les objectifs fixés, atténuer le réchauffement climatique et débattre des questions telles que le financement des énergies renouvelables. Premier résultat concret dès l’ouverture ce jeudi : la COP28 vient justement de s’ouvrir ce jeudi à Dubaï avec la concrétisation d'un fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays vulnérables ! Explications
  1. Petit rappel

Un an après la COP27, tenue à Charm el-Cheikh, en Égypte où la réunion avait abouti à plusieurs progrès et décisions historiques, notamment un fonds pour les pertes et dommages qui a été acté pour la première fois, ainsi que l'admission que les marchés émergents devraient être compensés pour les émissions historiques de l'Occident. Toutefois, aucun accord n’a été trouvé sur la question plus vaste de l’élimination progressive des combustibles fossiles.

La série de conférences a débuté avec la COP1 à Berlin en 1995 pour lancer les tentatives de lutte contre le changement climatique par le biais d'accords mondiaux de réduction des émissions, culminant avec le Protocole de Kyoto lors de la COP3 dans la ville japonaise en 1997. D'autres réunions annuelles ont progressivement ajouté des accords qui ont conduit à la création de plateformes d’échange de quotas d’émission (COP7), du Fonds vert pour le climat (COP16) et du Doha Climate Gateway prolongeant le protocole de Kyoto (COP18).

La réunion la plus importante et la plus durable a sans doute été la COP21, au cours de laquelle l'Accord de Paris a été signé en 2015. Cet accord vise à limiter le réchauffement climatique à un maximum de 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels d'ici 2100 et, idéalement, à limiter la hausse des températures à 1,5 degré C. Il a été ratifié par les 196 pays membres de l’UNFCCC et reste la référence mondiale en matière de lutte contre le changement climatique.

Aucun ordre du jour officiel n’a encore été fixé pour la COP28, même si les discussions se concentreront probablement sur le « processus progressif » pour fixer de nouveaux objectifs de réduction des émissions, à la suite d’un bilan mondial des objectifs et des réalisations actuels. Ce bilan mondial s’inscrit dans le cadre de l’Accord de Paris et aura lieu tous les cinq ans, à partir de 2023.

L’organisation de la conférence aux Émirats arabes unis a déjà suscité des critiques, car le pays est le septième producteur mondial de pétrole.

  1. L’Asset Management et le financement privé en première ligne

Lors de cette COP28 les discussions risquent d’achopper sur le financement de cette transition. Les pays en voie de développement attendent une participation majeure des pays du Nord, estimant qu’ils ont le moins contribué au changement climatique et qu’ils vont être le plus durement touchés. La promesse des pays développés de débloquer 100 milliards de dollars a pris trois ans de retard. Elle devrait enfin être tenue. Mais elle restera insuffisante alors que la croissance économique pique du nez dans le monde entier et que les Etats sont sur-endettés : ce sont des centaines et des centaines de milliards qu’il faudrait mettre sur la table pour bien faire. Le Pacte de Glasgow de la COP26 prévoyait d’ailleurs de doubler les financements d’ici 2025. On attend particulièrement un geste de la part des Etats-Unis.

  1. La création du fonds pour les pertes et dommages climatiques

La création du fonds « pour les pertes et dommages climatiques» a été actée l’année dernière à la COP27 de Charm-el-Cheikh, pour répondre aux impacts irrémédiables du changement climatique sur les pays les plus vulnérables, comme le Bangladesh, régulièrement menacé par des inondations qui affectent des millions de personnes et submergent une grande partie de son territoire. Il reste beaucoup de questions très concrètes à éclaircir : s’accorder sur le pays où le fonds sera basé, à qui il va s’adresser, quels seront ses contributeurs et les montants.

Or, la COP28 vient justement de s’ouvrir ce jeudi à Dubaï avec la concrétisation d'un fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays vulnérables au moment où l'Organisation météorologique mondiale confirmait que l'année 2023 devrait être la plus chaude jamais enregistrée.

Première avancée de la COP28 donc, la concrétisation du fonds destiné à financer les "pertes et dommages" climatiques des pays vulnérables a été adoptée, un pas positif pour espérer dégripper les tensions financières entre le Nord et le Sud, en parallèle des négociations sur les énergies fossiles.

Reste à savoir de combien sera doté ce fonds, provisoirement accueilli par la Banque mondiale, contre l'avis initial des pays en développement. Les premières promesses ont commencé à pleuvoir: 225 millions d'euros pour l'Union européenne (dont 100 millions de dollars annoncés par l'Allemagne), 100 millions de dollars pour les Emirats, 10 millions de dollars pour le Japon, 17,5 millions pour les Etats-Unis, jusqu'à 40 millions de livres (environ 50 millions de dollars) pour le Royaume-Uni...

Les pays développés font aussi pression pour élargir la base des donateurs aux riches émergents, comme la Chine et l'Arabie saoudite.

Madeleine Diouf Sarr, présidente du groupe des Pays les moins avancés, qui représente 46 des nations les plus pauvres, a salué une décision d'une "signification énorme pour la justice climatique". "Mais un fonds vide ne peut pas aider nos citoyens", a-t-elle souligné, alors que les pertes se chiffrent en centaines de milliards.

"On attend des promesses en milliards, pas en millions", a pressé Rachel Cleetus, du groupe américain Union of Concerned Scientists (UCS).

"Le travail est loin d'être achevé", a aussi réagi l'alliance des petits Etats insulaires (Aosis). "On ne sera pas tranquilles tant que ce fonds ne sera pas financé convenablement et commencera à alléger le fardeau des communautés vulnérables".

  1. Beaucoup d’autres sujets

Malgré cette avancée rapide sur ce sujet crucial, les négociateurs auront d'autres sujets probables de division, en discutant l'avenir des énergies fossiles. Plus de 97.000 personnes (délégations, médias, ONG, lobbys, organisateurs, techniciens...) sont accréditées, deux fois plus que l'an dernier, et environ 180 chefs d'Etats et de gouvernements sont attendus selon les organisateurs d'ici le 12 décembre, fin théorique de la conférence.

Plus de 140 dirigeants défileront à la tribune vendredi et samedi pour des discours de quelques minutes censés donner une impulsion politique aux négociations byzantines qui occuperont les délégations pendant deux semaines. Le roi Charles III doit notamment s'exprimer vendredi.

En haut de l'agenda figurera le sort des énergies fossiles - charbon, gaz, pétrole - dont l'utilisation est la principale cause du réchauffement climatique et des catastrophes qui l'accompagnent.

Également directeur général de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, Sultan Al Jaber a mis les pieds dans le plat en appelant à mentionner "le rôle des combustibles fossiles" dans tout accord final.

"C'est à ses résultats qu'on évaluera le président de la COP", a jugé Jennifer Morgan, l'émissaire pour le climat de l'Allemagne.

Le chef de l'ONU Climat, Simon Stiell, s'est montré encore plus direct: "si nous ne donnons pas le signal de la phase terminale de l'ère fossile telle que nous la connaissons, nous préparons notre propre déclin terminal".

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.