2014 : la vision de JP Morgan AM

Publié le 28/01/2014 - JP Morgan Asset Management (Europe) SARL
Encore du potentiel sur les taux en dépit de la hausse programmée, sélectivité sur les émergents

La période des grands-messes de présentation des perspectives 2014 se termine pour les gérants d'actifs. C'était au tour de JP Morgan AM France d'y sacrifier ce 28 janvier avec sa conférence annuelle. Morceaux choisis.

Macro : risque sur les taux, encore du potentiel sur les actions

Pour Vincent Juvyns, Stratégiste Market Insights, l'économie mondiale va de mieux en mieux.

L'économie américaine évolue autour de son potentiel de croissance et les consommateurs bénéficient d'un effet richesse  positif, après s'être désendettés significativement.

Juvyns estime que la reprise de la demande va continuer à soutenir la croissance économique et que le tapering (réduction du montant mensuel d'achat d'obligations par la Fed) ne devrait par nuire à la reprise.

L'Europe est globalement sortie de la récession, mais le risque de déflation n'est pas écarté et les écarts entre les pays (tant en matière de chômage que de coût unitaire du travail ou encore de performance des marchés actions) restent importants. Selon lui, la BCE devra augmenter son bilan, après l'avoir contracté de 26% entre juin 2012 et décembre 2013, pour soutenir l'activité économique.

Juvyns estime que trop de pays européens continuent de protéger de façon excessive les emplois existants plutôt que de se concentrer sur l'amélioration de l'employabilité.

S'il décerne un satisfecit aux mesures économiques prises par le gouvernement Abe au Japon, il considère que la demande intérieure sera affectée par la nécessaire réduction de l'important déficit budgétaire (qui passe notamment par une augmentation du taux de TVA de 3 points au 1er avril).

Juvyns considère que si la croissance économique de la Chine est moins forte que dans le passé récent, elle est plus pérenne. Il rappelle en outre que l'endettement global du pays, shadow banking compris, est très inférieur à celui de l'Allemagne, des Etats-Unis, de la Corée du Sud, du Royaume-Uni, de la France et du Japon.

Parmi les grands thèmes d'investissement pour 2014 figure la hausse annoncée des taux, qui reviendront à leur moyenne de long terme (soit une hausse potentielle de 1,7 à 3 points pour les taux américains, allemands et japonais. Cette hausse aura bien entendu un impact négatif sur la valeur de marché de la plupart des portefeuilles obligataires.

Les actions restent selon lui le meilleur véhicule pour se couvrir contre le risque de hausse des taux, même si certains marchés sont proches de leur juste valeur. Il prédit néanmoins une probable poursuite de la hausse (sans espérer des résultats comme ceux de 2013) et n'exclut pas que les marchés corrigent. Bel exercice d'équilibriste.  

Taux : malgré la hausse attendue, toujours du potentiel

Bob Michele, CIO Taux, devises et matières premières du géant américain de la gestion d'actifs, voit le taux du 10 ans américain entre 3 et 3,25% d'ici à la fin du semestre (il est à 2,79% aujourd'hui d'après Bloomberg). Selon lui, il sera encore possible en 2014 d'obtenir des performances décentes sur les portefeuilles obligataires, entre 4 et 6%, en étant sélectif.

S'il est généralement admis que les marchés obligataires souffriront du tapering de la Fed, Michele est d'un avis différent : selon lui, les liquidités sont suffisamment abondantes dans le système, et il rappelle que les investisseurs craignaient beaucoup le retrait annoncé de la Banque d'Angleterre du marché des obligations privées en sterling en 2010, mais que ce retrait avait eu lieu de façon ordonnée et sans impact sur la valeur des titres.

Son optimisme est fondé sur le raisonnement suivant : si les investisseurs se retirent du marché obligataire par crainte d'un impact négatif de la hausse des taux, ils resteront en cash, qui n'est pas rémunéré et le restera pendant longtemps du fait de la mainmise des banques centrales sur les taux monétaires qu'elles maintiennent à un niveau nul, et devront un jour ou l'autre revenir sur le marché pour obtenir le rendement dont ils ont besoin.

Michele considère que le marché High Yield n'est pas cher et devrait délivrer une performance d'environ 6% en 2014. Selon lui, il suffit que les investisseurs aient des attentes réalistes en matière de rendement et oublient l'ère des rendements high yield supérieurs à 10%. Il considère que les 6% servis par de nombreux émetteurs industriels générant des cash flows importants sont largement suffisants pour rémunérer le risque pris.

Il aime également certains titres bancaires subordonnés, servant des taux supérieurs à 6% et ayant dans certains pays (notamment la Suisse) un statut très privilégié en cas de sauvetage des banques.

Il attend en 2014 un retour de la prééminence de la politique budgétaire au détriment de la politique monétaire, de la croissance, une expansion du crédit, un retour en grâce pour le dollar  et le retour des risques idiosyncratiques (plutôt que le pénible régime risk on/risk off qui prévalait en 2013).

Emergents : bientôt en zone d'achat ?

Un duo s'est attaché à analyser la situation des émergents, au beau milieu des (mini) tourmentes turque et argentine : Puerre-Yves Bareau et Richard Titherington, directeurs de la gestion respectivement  de la dette émergente et des actions émergentes.

Rappelant que les actions et la dette émergentes, ainsi que les matières premières, très liées aux marchés émergents tant du côté de l'offre que de celui de la demande, ont été parmi les classes d'actifs les moins performantes en 2013 avec des performances négatives, les 2 spécialistes ont préféré voir le verre à moitié plein et considèrent que cette mauvaise année a créé un "éventail d'opportunités" pour 2014.

Du côté des valorisations, les ratios cours/actif net des actions émergentes sont prometteurs (terme soigneusement pesé pour ne pas dire qu'ils sont attractifs sans désespérer les investisseurs) tandis que les rendements de la dette émergente sont très attrayants.

Bareau et Titherington rappellent que les facteurs techniques sont plus sains, après des retraits importants de la part des acteurs privés, et peuvent inciter certains investisseurs institutionnels à s'exposer de nouveau et surtout à augmenter une exposition qui est loin d'être équivalente à celle des émergents dans les indices.

3 thèmes dominants ont été identifiés pour 2014 : l'exposition aux matières premières, les flux de capitaux et la vulnérabilité financière.

3 pays sont exposés aux 3 risques : le Brésil, l'Indonésie et l'Afrique du Sud

Le Chili, le Pérou et la Colombie sont exposés au risque matières premières (à savoir au risque de la poursuite de la baisse des cours).

La Turquie et la Thaïlande sont vulnérables financièrement.

A l'inverse, 4 pays émergents, dont les économies sont très exposées à celles des pays dits développés, sont dans une position beaucoup plus favorable : Taiwan, la Corée, le Mexique et la Pologne.

Du fait de l'hétérogénéité des pays composant l'indice des marchés émergents, les 2 experts s'attachent à différencier les facteurs expiicatifs du redressement. Selon eux, la quasi totalité des pays se retrouvent entre le point bas de la croissance et le pic de croissance dans le cycle économique, position généralement favorable aux actions. La Malaisie et la Thaïlande n'ont pas encore atteint le point bas alors que l'Indonésie a dépassé son pic de croissance et descend dans le cycle. La Chine est proche du pic de croissance.

Le scénario 2014 dominant est celui d'une reprise cyclique, tirée par la croissance des pays dits développés. Pour l'obligataire,  JP Morgan AM estime que les rendements des titres émergents seront encore attractifs avec une hausse du 10 ans américain jusqu'à un niveau de 3 à 3,50%. Cette hausse affectera bien entendu le cours des obligations déjà émises et il faudra faire du trading après les corrections. Bareau estime que les spreads se resserreront, ce qui sera bénéfique aux cours des obligations émergentes.

Pour les actions, Titherington ne voit pas de soutien de la part des bénéfices à court terme, les prévisions de croissance à long terme des bénéfices s'étant effondrées. Raison de ce marasme : la compression des marges, revenues à un niveau inférieur à celles des actions des pays dits développés, avant tout du fait du ralentissement de la croissance, mais aussi en raison de la baisse du cours de la plupart des matières premières.

Titherington et Bareau ont rappelé que l'ajustement dans les pays émergents se faisait via la dépréciation de la devise, ce qui leur semble une excellente solution. D'après Bareau, le risque de défaut sur la dette est faible, quoique non nulle pour certains pays (l'Argentine par exemple).

Titherington recherche les marchés actions ayant une valorisation attractive et sur une tendance positive : parmi ceux-ci, la Chine, la Corée, la Grèce (qui a rejoint récemment les émergents) et la Russie. A contrario, les marchés ayant des déficits courants élevés sont sous pression: les "Fragile Five" (Afrique du Sud, Brésil, Inde, Indonésie, Turquie).

L'indicateur de valorisation interne de JP Morgan AM pour les marchés actions est à un niveau attrayant, mais plus élevé que les plus bas historiques. Titherington rappelle que de tels niveaux ont historiquement constitué des points d'entrée judicieux pour bénéficier des hausses spectaculaires dont les marchés émergents sont coutumiers. Selon lui, il faudra se réhabituer à une très forte volatilité de la performance des marchés émergents. 

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