Actions : Les gérants français détiennent en moyenne 10% du capital des sociétés européennes cotées

Publié le 29/04/2020 - Jean-François Bay
En agrégeant les capitaux gérés par la gestion collective française, Quantalys estime que la gestion Actions investit 1500 milliards d’euros dans les sociétés cotées et représentent en moyenne 10% du capital des sociétés européennes cotées. Ceci illustre l’importance de cette filière française en Europe et son rôle dans le financement de l’économie.

Une spécialité française

Sur les 2100 milliards d’euros gérés à travers les fonds français, la gestion Actions est la deuxième classe d’actifs la plus importante avec plus de 300 milliards d’euros à fin 2019, juste derrière la gestion Monétaire avec 360 milliards d’euros mais devant la gestion Obligataire qui totalise 290 milliards.

On le voit, la gestion Actions reste une spécialité française à côté de la gestion de Taux. D’ailleurs, en plus des actifs gérés par les fonds de droit français, il convient de rajouter les fonds européens ouverts et gérés en France. Dans ce cas, le montant grimpe à près de 500 milliards d’euros en fonds Actions.

Un poids économique non négligeable

Pour avoir une idée approximative du poids économique de la gestion collective française sur la classe d’actifs Actions, il conviendrait de retraiter la part des Actions gérés par les autres catégories de fonds ouverts (fonds à formule, fonds diversifiés…) ainsi que la part des Actions gérés sous forme de mandats et fonds dédiés. On estime que ce montant devrait atteindre les 1500 milliards d’euros.

Si on rapproche ces actifs gérés sur les Actions par la capitalisation boursière européenne flottante et accessible aux investisseurs (soit 9000 milliards d’euros) afin d’avoir un point de repère, on arrive à un ratio de 16%. Ce n’est qu’un point de repère car même si la gestion collective française investit certes principalement en Europe mais elle investit aussi sur d’autres places financières (Asie, Etats-Unis, Marchés émergents…). Ramené à la capitalisation boursière mondiale (85 000 milliards d’euros) ce ratio passe à près de 2%. C’est plus que le Fonds de Pension norvégien par exemple (qui détient 1.4% du total de la capitalisation boursière mondiale).

Ramené à la capitalisation boursière européenne, et en ne prenant en compte que les encours gérés par la gestion collective en France en Actions sur les titres européens uniquement, on arrive quand même à un poids proche de 10% ce qui, dans les deux cas, est loin d’être négligeable. C’est un gage de stabilité pour le capital de la société cotée si le fonds est géré à long terme par un gérant de convictions avec peu de rotation de portefeuille. Au contraire, cela peut être un signe d’instabilité si le fonds est géré de façon quantitative par un algorithme de trading ayant une rotation de portefeuille très élevé.

Les fonds d’investissement, un actionnariat stable pour les sociétés cotées

En d’autres termes, pour une société cotée en Europe, la gestion collective française détient en moyenne 10% du capital à côté des autres actionnaires directs, c’est-à-dire qui n’investissent pas via des fonds mais via des sociétés holding. On peut citer les fondateurs et leurs familles, les salariés en direct (c’est-à-dire en dehors des FCPE…), l’Etat (via des participations), les établissements financiers (banques pour leurs fonds propres) et enfin les institutionnels en direct comme les assureurs, les fonds souverains, fonds de pension, fonds de retraite… (c’est-à-dire en dehors des mandats et fonds dédiés qui font partie de la gestion déléguée). A côté de la gestion déléguée et des investisseurs en direct, certains actionnaires existent mais sont souvent mal identifiés : Il s’agit d’investisseurs qui communiquent souvent peu d’informations sur leurs positions, à savoir les fonds activistes mais aussi les Hedge Funds non régulés.


Les grands gérants ont plus de 50% de part de marché

En se focalisant uniquement sur les fonds Actions ouverts en Europe, on remarque que les 8 grands gérants français gèrent plus de 50% de ces fonds Actions. C’est LYXOR qui est le plus gros gérant de fonds Actions en France avec 76 milliards € à fin mars 2020 (contre 93 milliards € à fin décembre 2019). Dans l’ensemble, ces grands gérants ont plutôt bien résisté à cette crise historique et ont connu une baisse des actifs gérés proche de l’effet de marché (-20% sur la période). Il n’y a donc pas eu d’effet de décollecte fort de la part des investisseurs en Europe. En comparant cette période de forte baisse des marchés avec la période précédente 2017-2019, on s’aperçoit que certains avaient déjà bien tiré leur épingle du jeu : LYXOR, CANDRIAM, et NATIXIS IM. Le développement de la gestion passive d’un côté (avec LYXOR ETF) et le développement de la gestion active ESG de l’autre (avec CANDRIAM, NATIXIS IM) expliquent sans doute cette bonne résistance des grands gérants français.

Les boutiques françaises écartelée entre Growth et Value

Dans la catégorie des boutiques de gestion dites « regional », c’est-à-dire des gérants qui gèrent au global moins de 50 milliards € et qui distribuent leurs fonds partout en Europe, c’est COMGEST qui est le plus gros gérant de la catégorie avec 18 milliards € rien que sur les Actions. Seuls quelques gérants français de cette catégorie arrivent à limiter la baisse des encours dans la crise récente comme COMGEST, CPR AM, FINANCIERE DE L’ECHIQUIER ou GROUPAMA AM. Le positionnement sur le style de gestion Growth doit expliquer ce bon comportement.

En effet, on remarque une dichotomie forte chez les boutiques françaises entre celles qui pratiquent le style Growth et le style Value. En fait, ces mouvements sur courte période ne font que renforcer des tendances déjà détectées depuis plusieurs années en faveur de la gestion Actions Thématique Croissance Durable (ESG) et au détriment de la gestion Actions Value & Cyclique. Difficulté à performer, difficulté à distribuer en Europe, style de gestion Value … plusieurs anciens stock-pickers français n’apparaissent plus désormais dans les classements ou ont été rétrogradé comme SYCOMORE AM, DORVAL, MANDARINE, METROPOLE

A noter également que cette catégorie intermédiaire qui ne possède pas toujours son réseau de distribution captif, qui doit distribuer ses produits en Europe, qui doit faire face à une pression réglementaire européenne forte et à une concurrence féroce est sans doute la plus compétitive. En effet, cette catégorie est très concurrencée en Europe par les gérants anglo-saxons mondiaux comme MORGAN STANLEY, MFS, VONTOBEL ou FIDELITY mais aussi par les gérants régionaux comme THREADNEEDLE, JUPITER, JANUS HENDERSON ou FIRST STATE.

Des nouveaux entrants qui progressent vite

Dans son dernier panorama des sociétés de gestion paru en septembre dernier, l’AMF insistait sur le nombre de création de sociétés de gestion qui restait vigoureux en France. On dénombre 633 sociétés de gestion différentes et 50 nouveaux agréments en 2019, dont 12 pour la gestion d’OPCVM. Et déjà 11 nouveaux agréments au premier trimestre 2020 dont 5 pour la gestion d’OPCVM. A noter qu’une jeune société de gestion, PIQUEMAL HOUGHTON INVESTMENTS a été créée par des anciens gérants de COMGEST !

On le voit, même si tous n’apparaissent pas dans le tableau ci-dessous, les jeunes boutiques ont eu un comportement honorable dans la période récente et confirment une dynamique et un positionnement intéressant. On retiendra un stock-picker comme KIRAO, un gérant sur les marchés émergents comme GEMWAY ou un gérant très actif voire alternatif comme ELEVA CAPITAL.

En conclusion, on retiendra le conseil de David Ross, gérant du fonds Actions Echiquier World Equity Growth dans son analyse du marché le 17 avril 2020* : « In finance, absolute is not important, relative means everything ». On peut également retenir la phrase de Gregorio Maranon qui s’applique bien aux gérants Actions qui investissent à long terme : « La rapidité est une vertu mais elle engendre souvent son vice qui est la hâte ».

Evolution des encours gérés par les sociétés de gestion françaises sur l’univers des fonds Actions (à fin mars 2020)

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.